Alors que les reportages télévisés se sont multipliés ces dernières semaines, pointant la facilité d’obtenir des arrêts de travail en quelques minutes en visio, le gouvernement organise la riposte. Sur proposition de la Cnam, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, présenté hier en Conseil des ministres, entend mieux réguler les arrêts prescrits lors d’une téléconsultation. « Nous avons constaté des dérives de certaines plateformes qui font de la publicité sur le fait de pouvoir obtenir un arrêt de travail », déplorait, en effet dès cet été, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance-maladie. Le budget de la Sécu prévoit ainsi, qu’à partir du 1er juin 2023, les arrêts de travail délivrés à l'issue d'une téléconsultation ne seront plus indemnisés. Sauf lorsqu'ils seront prescrits par le médecin traitant, ou par un médecin consulté au cours des 12 derniers mois. Une mesure « d'éthique et de confiance », fait valoir le cabinet de François Braun.
Interrogé ce mardi matin sur « France Info », le ministre de la santé a justifié une mesure anti-fraude, prise en raison de l’explosion de la pratique. En 2021, « 110 000 arrêts de travail ont été faits par téléconsultation, c’est deux fois plus que l’année précédente, et ce sera deux fois plus encore cette année », imagine l’urgentiste. Des patients, qui « dans 80 % des cas avaient un médecin traitant », mais se sont fait arrêter par un autre praticien, souligne encore le ministre.
? Déremboursement des arrêts maladie en téléconsultation ➡️ “On parle de 110 000 arrêts de travail faits par téléconsultation. C’est deux fois plus que l’année précédente. Dans 80% des cas, ce sont des patients qui ont un médecin traitant. Ça interroge”, selon François Braun. pic.twitter.com/B9jYv66ngr
— franceinfo (@franceinfo) September 27, 2022
Un palliatif aux déserts médicaux
Si la mesure se veut un coup d’arrêt « aux abus », selon le locataire du Ségur, elle n’est pas au goût de tous les confrères. Le syndicat Jeunes Médecins regrette ainsi que, « comme souvent, ce sont malheureusement quelques abus qui conduisent à revoir des dispositifs pourtant utiles à tous ». Il voit surtout dans la montée en puissance de la pratique un palliatif à la désertification médicale. « Annoncer le déremboursement de la téléconsultation pour ces patients, c’est nier le fait qu’ils n’ont pas d’interlocuteur ni de suivi médical et c’est prendre le risque d’engorger davantage les urgences », anticipe Jeunes Médecins.
Un constat partagé par l’Union française pour une médecine libre (UFML). Si le syndicat du Dr Marty voit dans ce recadrage « un magistral coup de pied donné aux plateformes commerciales de téléconsultation et aux "cabines à fric" », il souhaite rappeler également au gouvernement que « les délais de consultation auprès du médecin traitant sont souvent peu compatibles avec la délivrance d’un arrêt de travail en temps et en heure ».
Des exceptions ?
Face aux critiques, François Braun réfute toute mesure punitive. « Pour se faire arrêter, il est toujours possible d’aller voir un médecin », se défend le ministre, arguant que ces arrêts de travail téléprescrits ne concernent pas davantage les zones sous-denses.
Le ministre de la Santé évoque toutefois quelques exceptions, « qui seront traitées au coup par coup ». « Par exemple, une personne âgée, qui vit en zone sous-dotée et n’a plus de médecin traitant pourra recourir ponctuellement à la téléconsultation s’il lui faut un arrêt de travail », imagine le ministre. Un cas (très) particulier annoncé au micro de « France Info », et qui ne figure pas, pour l'heure, dans le projet de loi du PLFSS.
« Les médecins ne sont pas des voyous ! »
Plus globalement, Jeunes Médecins déplore un climat de chasse aux fraudeurs, alors que 90 % des arrêts de travail « sont tout à fait justifiés », selon le syndicat. « Les arrêts de travail sont un droit et les médecins ne sont pas des voyous ! », s’exaspère Jeunes médecins. Lundi le ministère des Comptes publics concédait d’ailleurs que la pratique restait très marginale : « la téléconsultation représente 1 % des indemnités journalières des arrêts qui sont prescrits ».
Le PLFSS prévoit d’ailleurs d’accompagner cette régulation « d’une campagne nationale d’information auprès des patients et des médecins ». Les confrères pourront être contrôlés par l’Assurance-maladie et les plateformes devront informer patient et médecin de ces nouvelles restrictions.
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