Depuis près de 25 ans, c’est l’un des numéros les plus vendus de l’hebdomadaire. Mais cette année, pour la première fois, le palmarès des hôpitaux et des cliniques dressé par « Le Point » - qui classe 1 400 établissements publics et privés - ne paraîtra pas. En effet, le 10 novembre dernier, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a annoncé qu’elle refusait aux journalistes du magazine d’accéder à la base de données des hôpitaux, l’une des principales sources de leur travail.
Dans un éditorial au vitriol, le directeur du « Point » a dénoncé la semaine dernière « une censure d’État pour briser un thermomètre qui en dérange certains ». Selon Étienne Gernelle, le refus de la Cnil est tout simplement le fait d’« un quarteron de bureaucrates, allergiques à l'évaluation indépendante de notre système de santé et visiblement atteints par l'ivresse de leur pouvoir ».
« Information erronée »
Chaque année pour établir son palmarès, « Le Point » envoie un questionnaire aux établissements, tout en analysant parallèlement les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Durées de séjours, consultations, actes de soins réalisés : cette base anonyme recense tous les patients passés par les établissements. Des données « d’une grande sensibilité », selon la Cnil, car « les personnes sont réidentifiables » estime-t-elle.
Ainsi, pour y accéder, depuis la loi Touraine de 2016, l'accès des journalistes à cette base a été durci. Il faut notamment prouver de « la finalité d’intérêt public » de la demande. Celle-ci doit désormais également passer entre les mains du Cesrees (Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé) chargé d’évaluer la qualité scientifique et méthodologique du projet.
Et c’est là que le bât blesse. Dans un avis du 2 juin 2022, le Cesrees a pointé « plusieurs limites méthodologiques dans l’établissement du classement tant s’agissant des indicateurs retenus que de leur pondération ». Pire encore, le comité a jugé que le palmarès du « Point » pouvait « conduire à diffuser une information erronée sur les performances relatives réelles des établissements de santé pouvant induire en erreur les patients et être par conséquent contraire à l’intérêt public ».
Influence sur les assurés sociaux
La Cnil a décidé de suivre l’avis du comité éthique et justifié son refus d’autorisation d’accès au PMSI au « Point ». La commission met en avant l’influence du classement : « les indicateurs calculés à partir des données du PMSI sont susceptibles d’avoir une influence sur les choix de nombreuses personnes dans leurs parcours de soins ». Elle pointe également une méthodologie qui « n’est pas librement accessible au public ».
Des arguments « ahurissant » pour Étienne Gernelle, qui défend bec et ongles son palmarès. « Des dizaines d'établissements hospitaliers prestigieux l'arborent fièrement sur leurs murs », affirme-t-il. Le directeur du « Point » s’en prend tout de go à « l’hubris du Cesrees » mais aussi à la Cnil qui « nous autorise depuis vingt ans à accéder à la base. Et n'y a jusqu'ici rien trouvé à redire ». En effet, dans sa dernière décision datée de 2020, la Cnil autorisait l’accès au PSMI au « Point » pour deux ans, estimant que le classement hospitalier présentait justement « un intérêt public ».
« Omerta à l'hôpital »
Le directeur de l’hebdomadaire prévient que sa rédaction enquêtera « sur les dessous de cette censure, sur ce parti de l'omerta à l'hôpital ». Il se dit même prêt « s’il le faut » à aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Mardi, l'Association des journalistes pour la transparence (AJT) a apporté son soutien au magazine dénonçant « important recul pour la transparence et une atteinte à la liberté de la presse ».
« La méthodologie des journalistes doit être transparente et peut être critiquée, les réserves soulevées par les commissions peuvent d'ailleurs être prises en compte ou être mentionnées à côté des articles, estime l'association dans un communiqué. Mais, concernant l'accès aux données, seule doit compter dans l'avis administratif leur protection tout au long de la procédure. »
En 2021, le palmarès des hôpitaux du « Point » avait consacré le CHU de Toulouse en première place, suivi des CHU de Bordeaux et de Lille.
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