La proposition de loi « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie » qui sera débattue ce 8 avril en première lecture à l'Assemblée nationale a peu de chance d'aboutir, mais ne manquera pas de raviver le débat sur l'euthanasie.
Le texte proposé par le député radical de gauche Olivier Falorni prévoit que « toute personne capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable, peut demander à disposer d’une assistance médicalisée active à mourir ». Celle-ci est définie comme la « prescription à une personne par un médecin, à la demande expresse de celle‑ci, d’un produit létal et l’assistance à l’administration de ce produit par un médecin ».
Plus de 3 000 amendements, les groupes divisés
Le texte, qui a déjà été examiné en commission des Affaires sociales, est présenté dans le cadre d'une journée réservée au groupe Libertés et territoires. Mais les 3 000 amendements déposés, dont 2 300 issus du groupe Les Républicains, vont rendre mécaniquement impossible son examen en une journée, les débats s'arrêtant à minuit. C'est la cinquième tentative issue de parlementaires depuis 2017 pour tenter de changer la législation actuelle, après ceux de la sénatrice Marie-Pierre de La Gondrie, du Pr Jean-Louis Touraine (député LREM), de Caroline Fiat (députée PC) et de Marine Brenier (députée LR). Tous les groupes étant divisés, les élus devraient s'exprimer en conscience.
« Les Français sont prêts, ils attendent cette grande loi de liberté », assure Olivier Falorni, qui s'est inspiré de plusieurs exemples étrangers, en particulier la Belgique. Il a reçu l'appui de quelque 270 députés de tous bords, dont Jean-Luc Mélenchon (LFI), Valérie Rabault (PS), Olivier Becht (Agir) et Bertrand Pancher (Libertés et territoires), dans une tribune publiée par le « Journal du dimanche ».
Mais les opposants à la proposition de loi (PPL) déplorent qu'un tel thème de société vienne d'un groupe d'opposition minoritaire (18 députés) plutôt que d'un projet gouvernemental, accompagné par un débat citoyen, a fortiori dans le contexte de la crise sanitaire. Jean Leonetti, co-auteur de la loi Leonetti-Claeys qui ouvre le droit à une sédation profonde et terminale jusqu'au décès, interprète la proposition comme une « dépénalisation de ce que juridiquement, on appelle un homicide. On n'est pas dans une avancée, mais dans une rupture » , a-t-il déclaré à l'AFP. « Une rupture avec la possibilité de débattre sereinement d'un sujet intime, douloureux et complexe (...) et qui aboutisse pourquoi pas à un consensus », ajoute le médecin et ancien député LR.
« Inscrire dans la loi que donner la mort deviendrait une sorte de solution thérapeutique ultime nous choque », ont écrit sur la même ligne des députés LR emmenés par Xavier Breton. Ils plaident pour une meilleure application de la loi Leonetti-Claeys de 2016 et pour une amélioration du fonctionnement des soins palliatifs (un cinquième plan devrait être dévoilé en avril).
Des divisions jusque dans la société
Le débat dépasse les rangs de l'hémicycle puisque des artistes ont publiquement pris la parole, comme Line Renaud, qui soutient « un progrès essentiel », ou Michel Houellebecq qui estime qu'avec cette loi, la France perdrait « tout droit au respect ».
Du côté des universitaires, le sociologue Philippe Bataille, directeur d'études à l'École des hautes études en santé publique (EHESS) et ancien membre de l'association Le Choix - Citoyens pour une mort choisie, considère que « la société est prête à accueillir une loi sur l'aide active à mourir en France » et fustige des parlementaires qui produisent des lois en rapport avec « un groupe professionnel [celui des médecins N.D.L.R.], qui s'interdit de répondre à l'aide à mourir au nom de l'interdit de tuer ».
« Ce n'est pas le bon moment, ce n'est pas la bonne forme et ce n'est pas du tout le bon contenu », juge auprès de l'AFP Tanguy Châtel, sociologue et membre de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Le sociologue craint notamment un « dévoiement » de la loi pouvant s'appliquer à « une multitude de cas pour lesquels elle n'a pas été prévue », ainsi qu'un « coup d'arrêt sur la recherche en matière de soins palliatifs ».
Quant au gouvernement, il s'est montré jusqu'à présent réticent à légiférer. Emmanuel Macron n'avait pas pris d'engagement en 2017, mais avait indiqué qu'il préférerait personnellement choisir sa fin de vie. Son ministre de la Santé Olivier Véran veut mieux faire connaître la loi actuelle. « Les consultations, les contributions de la part d'experts doivent encore être poursuivies en vue d'un débat éclairé », a estimé le secrétaire d'État Adrien Taquet.
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