LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur le challenge infectieux britannique ?
BRYN WILLIAMS-JONES : C’est une initiative problématique du point de vue de l'éthique de la recherche. Les essais cliniques sont encadrés par des normes internationales, précisées dans la déclaration d'Helsinki de 1964, qui complète le Code de Nuremberg de 1947. Les principes de base exigent que le consentement des participants à la recherche clinique soit libre et éclairé et qu'un comité d'éthique se prononce sur la balance entre, d'un côté, les bénéfices attendus pour les personnes et la recherche et de l'autre, les risques encourus.
Le challenge infectieux bafoue ces deux principes. D'abord, cette expérimentation met intentionnellement en danger les participants en les infectant volontairement. Or, il n'existe pas de traitements réellement efficaces contre le Covid-19 et l'on ne sait pas qui développera une forme grave du Covid ou aura des séquelles. En outre, on ne peut pas dire qu'il n'existe aucune autre piste vaccinale : une centaine d'essais contre le Covid-19 sont en cours selon les procédures classiques, certes accélérées, une quarantaine sont en phase 2 ou 3 et trois vaccins sont presque sur le marché.
Un challenge infectieux pourrait se justifier dans des cas extrêmes, en l'absence de toute alternative, comme cela a pu l'être au début de l'épidémie de sida. Mais nous ne sommes pas dans ce contexte.
En quoi le consentement des volontaires au challenge n'est pas libre et éclairé ?
Nos connaissances sur le coronavirus restent lacunaires. Les jeunes en particulier sont mal informés et considèrent que l'épidémie ne touche - à tort - que les plus âgés.
S'ajoute à cela l'incitation financière proposée par l'entreprise : comment le consentement peut-il être libre lorsque celle-ci est démesurée, ceci dans un contexte de crise économique où des milliers de personnes perdent leur emploi ?
Le non-respect du libre choix bafoue le principe éthique de dignité, puisque les personnes ne sont pas traitées comme des fins, mais seulement comme des moyens.
L'autre danger du challenge infectieux, et de la communication qui l'entoure, est de tromper sur la nature de la recherche en donnant l'impression que l'expérimentation donnera un résultat positif voire soignera. Or non, il y a méprise : dans la recherche, il n'y a pas de garantie sur l'efficacité des vaccins, le participant ne peut s'y engager avec l'espoir d'être soigné ou vacciné en premier. La recherche vise avant tout l'avancement des connaissances pour le bien commun.
Au-delà du challenge infectieux, avez-vous l'impression que les principes éthiques sont respectés dans la course aux vaccins à laquelle nous assistons ?
Globalement oui, même si de nombreux bioéthiciens questionnent la rapidité d'obtention des résultats. Néanmoins, l'ampleur de la pandémie peut justifier cette accélération, qui ne doit pas se faire au détriment de l'éthique. La rigueur des études, la transparence des résultats sont la condition sine qua non pour que les citoyens aient confiance dans le monde scientifique et dans les agences de régulation.
En revanche, il y a une contrepartie : il nous faudra redoubler de prudence dans la phase 4 de développement d'un vaccin, lors de la surveillance des effets secondaires en population réelle. Or, nos mécanismes de contrôle et de suivi ne sont pas suffisamment robustes, ou parfois délégués à l'industrie, en dépit des conflits d'intérêts… Il faudra aussi à distance prendre le temps de réévaluer toutes les données des agences. Une telle surveillance doit permettre d'identifier les risques dans des populations précises, mais aussi de prioriser des campagnes de vaccination.
L'arrivée des vaccins soulève enfin d'autres questions, notamment sur la répartition des doses dans nos pays mais aussi dans les pays en voie de développement.
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