Après la présentation par le gouvernement du budget de la Sécu (PLFSS 2021) la semaine dernière, la Cour des comptes a rendu public ce mercredi son traditionnel rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale.
Réalisé cette année « dans un contexte exceptionnel » – le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteignant le record de 44,4 milliards d'euros – ce rapport porte un message « simple » : « reconstruire une trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux » une fois la crise terminée, a précisé le premier président de la Cour, Pierre Moscovici. L'ancien commissaire européen aux Affaires économiques a rappelé que ce déficit était lié à une probable chute des recettes de 27,3 milliards d'euros (par rapport à la prévision pour 2020), corrélée à une hausse des dépenses de 15 milliards d'euros, faisant bondir l'ONDAM à 7,6 % (au lieu des 2,45 % prévus).
Échapper à la spirale de la dette
Parmi ces dépenses, on retrouve les dotations supplémentaires accordées à Santé publique France pour l'achat de matériel (4,6 milliards d'euros) et aux établissements hospitaliers pour les primes et la bonification des heures supplémentaires du Ségur de la Santé. S'ajoutent à la facture la réalisation des tests diagnostics pris en charge à 100 % par l'assurance-maladie (1,5 milliard d'euros) ou encore la compensation des pertes d'activité des professions libérales de santé (1,4 milliard d'euros).
Ce surcroît de dépenses est compensé par une baisse de la consommation de soins de ville, de médicaments et de dispositifs médicaux (4,5 milliards d'euros), mais l'impact de la crise sanitaire reste « massif » et nécessite une nouvelle loi de programmation des finances publiques, celle prévue pour la période 2018-2022 étant « caduque », estime Pierre Moscovici. Pour ne pas tomber dans « un mode de financement permanent de la Sécu par la dette » qui pèserait sur les générations futures, il appelle à des actions « structurelles à trois niveaux afin « d'agir sur la qualité et la sélectivité de la dépense sociale » : sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), sur les dotations de financement régionales et sur les dépenses sur les dispositifs médicaux.
GHT : peut mieux faire
Le modèle des GHT, mis en place en 2016, doit être approfondi, estime la Cour, jugeant la réorganisation des hôpitaux encore « incomplète » et à poursuivre. Certains GHT réunissent « un nombre trop faible d'établissements » pour atteindre les objectifs de la réforme. Près de la moitié des 135 GHT regroupent moins de quatre centres hospitaliers MCO. D'autres n'offrent pas certaines prises en charge, comme la psychiatrie, exercée dans 79 % des GHT seulement. Dans certains cas, les groupements ne permettent pas non plus de pallier les effets de la pénurie médicale. Sans parler de suppression d'établissements, Pierre Moscovici préconise fortement de « revoir le découpage territorial de plusieurs GHT et de généraliser les directions communes ». Ces pistes seront développées dans un rapport propre aux GHT.
MIGAC et FIR, trop emmêlés
Autre piste d'efficience proposée par les magistrats de la rue Cambon, la simplification et la meilleure répartition des dotations MIGAC (missions d'intérêt général et aides à la contractualisation) et des fonds d'intervention régionaux (FIR) versés aux agences régionales de santé (ARS). À l'hôpital public, ce financement est complémentaire de la tarification à l'activité (T2A), qui constitue en moyenne 63 % des ressources des établissements. La gestion de ces enveloppes – 11 milliards d'euros en 2019 – s'est peu à peu complexifiée « au point de devenir illisible pour la majorité des acteurs de santé », pointe le rapport de la Cour. Certaines missions d'intérêt général ne sont plus financées par la dotation MIGAC et ont été transférées dans le FIR, comme la permanence des soins ou les équipes mobiles de gériatrie. En 2019, près d’un tiers de l’enveloppe des missions d’intérêt général (MIG, une petite quarantaine) a servi à financer trois missions : les structures mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR, 833 millions d'euros), les services d’aide médicale urgente (249 millions) et la prise en charge des patients en situation de précarité (192 millions).
Elles sont de plus mal réparties, note le rapport, puisqu'elles vont à 80 % aux établissements de santé, notamment publics, et très peu aux structures médico-sociales et aux libéraux. Enfin les écarts entre régions sont importants, de 691 euros par habitant en Centre-Val-de-Loire à 1 024 euros en Ile-de-France, sur la période 2014-2018. D'où la nécessité de simplifier ces dispositifs, de renforcer le contrôle de leur utilisation, et d'évaluer et de rendre publique leur répartition, plaide la Cour.
Haro sur les dispositifs médicaux
La Cour s'attaque également aux dispositifs médicaux, secteur économique « très diffus et mal connu ». Ils recouvrent une diversité de produits (80 000 classes) dont la prise en charge est estimée à 15 milliards d'euros de dépenses par an, en progression de 4 % chaque année. Leur régulation s'est accrue depuis 2015, notamment via les tarifs, mais ne suffit pas pour être efficace, indique le rapport.
Au-delà de cette régulation financière, il faut donc agir en parallèle sur la pertinence de la prescription (notamment en révisant les nomenclatures pour mieux encadrer les durées et les renouvellements), l'optimisation des achats par les établissements de santé et la lutte contre les abus et les fraudes, en inscrivant ces actions dans un cadre pluriannuel, conclut la Cour.
Jamais avare de recommandations, la Cour des comptes cite d'autres exemples pour gagner en efficience et diminuer les dépenses. Elle recommande ainsi de mieux cibler le versement de certaines prestations de solidarité (comme les pensions de retraite), mais aussi de faire progresser la gestion des organismes de Sécu en réduisant « le nombre et le montant des erreurs sur les prestations versées ».
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