La pandémie a souligné l'urgence d'appliquer les principes du concept « One Health » ou « Une seule santé ». Pour aider à une mise en œuvre concrète de cette approche intégrant santés animale, humaine et environnementale, des experts ont élaboré un livre blanc, avec 36 propositions*.
« Nous avons réussi à parvenir à un document consensuel, validé par tous, qui rassemble les acteurs de différents horizons, se réjouit Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire, ancien président de l’Académie vétérinaire de France en 2020 et coordinateur du projet. L'objectif : que ces propositions puissent être prises en compte au niveau politique. »
Un tronc commun dans la formation des médecins et vétérinaires
Pour lui, « l'originalité de ce travail par rapport à d'autres productions autour de cette thématique est la participation plus importante du monde de la santé humaine », aussi bien dans les personnes auditionnées que dans le groupe de travail.
À l'issue des auditions de différents acteurs du privé et du public - agriculteurs, vétérinaires, médecins, industriels -, cinq champs d'action ont été identifiés : la gouvernance, la formation, la prévention et la surveillance, la recherche et le développement et la réglementation.
« L'enjeu du concept “One health” est de réussir à travailler conjointement, avec une approche transdisciplinaire. La crise du Covid a aidé à accélérer cette idée, mais ce n'est pas encore ancré dans les habitudes », constate Jean-Luc Angot, par ailleurs membre correspondant de l'Académie de médecine depuis mai 2021. Les experts recommandent ainsi la mise en place d’une gouvernance interministérielle, au niveau du Premier ministre. « Cette gouvernance transversale peut également être pensée à d’autres échelles et sa mise en place servirait à accompagner la transition de nos systèmes agricoles, industriels et tertiaires vers des systèmes plus vertueux », lit-on dans le livre blanc. Cette idée d'un représentant interministériel figure également dans le plan national santé-environnement 4 (PNSE4).
Concernant la formation, « nous plaidons pour un tronc commun sur ces sujets "One health" dans les formations des médecins, des vétérinaires et des écologues, mais aussi pour une éducation à la santé et à l'alimentation dans les programmes scolaires », avance Jean-Luc Angot. Dans une optique d'information du plus grand nombre, les réflexions ont aussi porté sur la mise en œuvre d'un « Éco-score », lequel, à l'image du NutriScore, permettrait aux consommateurs d'être renseignés sur l'impact environnemental du produit. « Des initiatives privées se sont emparées de la question, mais nous souhaitons que tout cela soit encadré et régulé sous le contrôle de l'État », précise Jean-Luc Angot.
Les experts préconisent par ailleurs de renforcer les systèmes de surveillance et la prévention pour anticiper l'émergence de maladies zoonotiques. Et d'investir davantage dans la recherche et le développement pour permettre l'application des principes « One health ». « Ces investissements permettront notamment le développement de vaccins et d'alternatives aux antibiotiques », note le coordinateur du projet.
Enfin, ce livre blanc est aussi un appel à harmoniser la réglementation dans les politiques publiques européennes. « Le fait que la France prenne la présidence de l'Union européenne au cours du premier semestre 2021 représente une bonne fenêtre de tir pour agir et insuffler ce concept dans les politiques européennes », espère Jean-Luc Angot.
Des lignes qui bougent en France et à l'international
Si le concept est ancien, la pandémie a permis de faire bouger les lignes. Début 2021, la France a lancé le programme international Prezode, à l'initiative de trois instituts de recherche (l'Inrae, le Cirad et l'Institut de recherche pour le développement). « Ce programme a vocation à prévenir les pandémies d'origine zoonotique, et surtout à coordonner toutes les initiatives qu'il peut y avoir dans ce domaine au niveau international », souligne Jean-Luc Angot, envoyé spécial pour ce programme. À ce jour, la Belgique, le Mexique, le Vietnam et le Zimbabwe ainsi qu'une soixantaine d'organismes de recherche sont impliqués dans ce projet ; des discussions sont en cours avec d'autres pays comme les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Thaïlande.
Un groupe d’experts de haut niveau pour l’approche « Une seule santé » (OHHLEP) a aussi été mis en place fin 2020 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l‘Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et le Programme des Nations unies pour l‘environnement (PNUE). « Les premières conclusions du groupe sont attendues pour la fin de l'année », avance Jean-Luc Angot. Un Français figure dans ce groupe, Serge Morand, écologue et biologiste de l’évolution (CNRS/Cirad), également membre du groupe de travail ayant conduit à l'élaboration du livre blanc.
Le concept « One health » s'est aussi fait une place dans la récente déclaration des pays du G20 : « Nous nous engageons à poursuivre une approche « Une seule santé » aux plans mondial, régional, national et local. »
* Ce livre blanc a été rédigé sur la base de travaux de recherche et d’entretiens individuels, puis mis en forme par la société RPP France, avec le soutien institutionnel de l’entreprise MSD Santé animale.
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