La médecine moderne française est très clairement victime de son succès mais un succès peut être aussi mortifère à terme s’il n’est pas constamment réinterrogé. Va-t-on encore figurer dans le top des innovations médicales ou dans la nostalgie des livres d’histoire ? Le pari à faire serait d'arrêter de tout centraliser à Paris et de redonner l'autonomie à chaque région de France dans le domaine de la santé afin qu'elles assument ensuite leurs choix, bons ou mauvais.
La région est la bonne taille pour avoir un système français décentralisé ce qui n'empêche pas évidemment des collaborations inter-régionales pour les maladies rares ou demandant une très haute technicité. De la confrontation intellectuelle naît le progrès et il n’y a plus de confrontation si l’uniformisation nationale devient la règle.
Si on interroge les responsables hospitaliers, directeurs, médecin, président de CME, directeurs généraux d'établissement, le discours unanime est le suivant : l’humain doit rester au cœur de la préoccupation hospitalière et pourtant, dans les faits, l'humanité hospitalière ne survit que grâce à un engagement individuel souvent bien mal récompensé.
Piloter à Paris, organiser en région
Il est une chose à peu près certaine, c'est que l'arrivée de l'intelligence artificielle en médecine va bouleverser le paysage sanitaire, non seulement français mais européen voire mondial. Nous avons dans nos dossiers médicaux une mine largement sous-exploitée, une data base considérable qui devrait, à terme, nourrir les algorithmes d'intelligence artificielle et il faudrait de toute évidence que ce chantier gigantesque soit soutenu par la puissance publique tant en terme financier qu'organisationnel.
Cela aurait du sens de piloter depuis Paris ce programme majeur qui va engager la santé pour les 20 à 30 ans à venir. La contrepartie c'est qu'il faut laisser aux régions l'organisation de ce système sanitaire. La puissance publique n’a pas à perdre de l’énergie à gérer des problèmes de légionelles dans les tuyaux de distribution d’eau chaude !
On doit réfléchir à ce qui est arrivé avec Google. Le pétrole du XXIe siècle sera la gestion des bases de données. Ce qu'on appelle les Data sciences. L’avenir est à ceux qui sauront les traiter.
Il est impératif de délocaliser aussi au niveau des régions les aspects éthiques qui peuvent figer une recherche médicale. De ce côté-là, le peuple doit reprendre le pouvoir. Nous avons en France 13 régions métropolitaines et il est tout à fait envisageable que chaque région ait une approche éthique pas forcément similaire sur tel ou tel aspect médical et c'est la richesse des comparaisons (le fameux benchmarking) qui permettra à chaque fois d'obtenir le meilleur compromis et la possibilité de faire évoluer cette éthique. Ceci bien sûr dans le strict respect des principes républicains garants de l’unité nationale.
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