Privés de vaccins AstraZeneca au profit des pharmacies, les médecins révoltés et écœurés, le Pr Jérôme Salomon (DGS) sous pression

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Publié le 08/03/2021

Crédit photo : PHANIE

C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase dimanche soir. Alors que les médecins  étaient invités à se faire vacciner massivement par l'Ordre – et à multiplier les injections auprès de leurs patients – un message DGS-Urgent du ministère de la Santé a déclenché une exaspération inédite des médecins, soulevant un vent de fronde syndicale et sur les réseaux sociaux.

Adressé dans le cadre de la campagne de vaccination en officine – qui s'ouvrira largement dans les pharmacies à partir de la semaine du 15 mars – ce message très maladroit stipule que « pour la semaine du 8 mars, la commande ne sera ouverte que pour les besoins propres des officines ». « Il ne sera pas possible de prendre des commandes pour les médecins compte tenu du nombre de doses livrées par AstraZeneca (environ 28 000 flacons disponibles à la commande) », cadre ensuite le message de la DGS (adressé aux médecins et aux pharmaciens), qui remercie « sincèrement » les intéressés pour leur « engagement pour la réussite de la campagne vaccinale ». 

« La faute de trop »

À la découverte de ce message dominical, stupeur et colère étaient de mise chez les praticiens qui ont réservé des plages de vaccination pour leurs patients et réorganisé leur agenda, à la demande des autorités. 

Le SML juge « totalement contre-productive et scandaleuse » cette décision de stopper l'approvisionnement des médecins libéraux et condamne « le summum de la sottise technocratique, la faute de trop ». La centrale du Dr Vermesch demande la démission du Pr Jérôme Salomon, patron de la Direction générale de la Santé (DGS), qui a cédé « au caprice des pharmaciens » en décidant que les médecins ne pourront pas vacciner « alors que les rendez-vous sont déjà pris »

Même courroux chez MG France. Le syndicat de généralistes souhaite « que soit mis fin aux fonctions des responsables de cette décision invraisemblable, dont le signataire de ce message, Jérôme Salomon ». Pour éviter de décommander les rendez-vous déjà prévus dans les cabinets libéraux, MG France exige que le ministère « donne les consignes nécessaires » pour que les besoins des médecins soient pourvus. Et appelle les généralistes à « exiger de leur pharmacien les doses commandées » et de renouveler dès aujourd'hui leur commande suivante.

Véran , « grand magicien »

« Les médecins libéraux sont révoltés par autant de désinvolture, et autant de mépris pour les efforts qu’ils développent depuis plusieurs semaines, s'indigne aussi la CSMF. Ce n’est pas multiplier les vaccinateurs qu’il faut, c’est multiplier les vaccins. » La centrale de Jean-Paul Ortiz fustige « une décision aberrante » et appelle le gouvernement « à redresser d’urgence la barre », plutôt que d'annoncer des décisions « pour donner l’illusion que l’on fait quelque chose en s’agitant ». « Ce n’est pas en affichant la vaccination chez les pharmaciens qu’Olivier Véran, grand magicien, aurait multiplié les vaccins », tance la Confédération.  

L'UFML-Syndicat – dont le président Jérôme Marty s'est fendu d'une vidéo virale dès dimanche – y voit « l’expression d’un mépris doublée d’une légèreté coupable ». Il demande au ministre de la Santé « de stopper cette décision vécue comme une insulte par la profession », mobilisée dans la campagne vaccinale. « Rien ne justifie le fléchage du matériel vaccinal vers une profession plutôt qu’une autre à moins que cela trouve sa source dans une pénurie de stocks dissimulée », assène le syndicat.

Pas en reste, la FMF y voit le « scandale de trop ». « Le DGS-Urgent du dimanche soir nous annonce à 22h que pour assurer l'approvisionnement initial des pharmacies les commandes des médecins seront bloquées. De qui se moque-t-on ? Comme pour les masques, les tests et les protections individuelles nous allons devoir gérer la pénurie ! », se désole l'organisation, qui épingle un gouvernement « schizophrène ». 

Découragement 

Sur Twitter, des dizaines de médecins ont affiché leur mécontentement au cours des dernières heures. Certains, découragés, envisagent de stopper la vaccination.

La DGS calme le jeu
La direction générale de la santé a répondu à la grogne des médecins dans un communiqué diffusé en fin d’après midi, lundi 8 mars. Dans ce texte, elle confirme bien que les praticiens en ville ne pourront pas commander de nouvelles doses du vaccin AstraZeneca au cours de la semaine du 8 mars. La raison : « Le faible nombre de doses livré par le laboratoire AstraZeneca pour la semaine en question. » Mais cela ne devrait pas entraîner de situation de pénurie dans les cabinets, estime la DGS, qui indique que 765 000 doses doivent être livrées aux médecins les 11 et 12 mars.
« Au rythme actuel des vaccinations, cela devrait leur permettre de protéger un grand nombre de leurs patients dans les quinze prochains jours [jusqu’au 22 mars] », précise le communiqué. À partir de la semaine prochaine (15 mars), les médecins pourront de nouveau passer commande pour être approvisionnés la semaine du 22 mars.
Au total, les médecins auront reçu un total de 1,6 millions de doses AstraZeneca, écrit la DGS. 
S.L.


Source : lequotidiendumedecin.fr