Tous les deux mois, la commission de terminologie et de néologie du domaine de la santé et du domaine social se réunit pour tordre le cou à quelques anglicismes et trouver des termes adéquats pour désigner les nouvelles technologies et disciplines médicales. Ses décisions sont ensuite publiées au « Journal officiel » mais pas toujours mises en pratique. « Le Quotidien » lance, en collaboration avec la commission, une nouvelle rubrique, « Dites, ne dites pas ».
ILS SONT UNE VINGTAINE dans une salle de réunion de l’IGAS (inspection générale des Affaires sociales), dont Didier Lacaze, le haut fonctionnaire chargé de la terminologie et de la néologie, fait partie. Quelques professeurs de médecine honoraires mais aussi des représentants de la Haute Autorité de santé, de la direction générale de la Santé, du ministère de la Culture, de la Commission française de normalisation, de la Société française des traducteurs, etc. Sous la présidence du Pr Alain Laugier, professeur émérite de cancérologie à l’Hôpital Tenon.
Au menu, le nouvel examen de théragnostic, plexopathie, odologie et kyphoplastie.
Théragnostic, c’est l’appellation des kits déjà industrialisés qui associent un test diagnostique aux choix d’une thérapie pour une tumeur (ou une maladie) donnée. La commission n’a rien contre les mots valise comme celui-ci, qui emprunte à thérapie et à diagnostic. Les documents des industriels font tomber le g mais les Canadiens souhaitent le maintenir. La commission aussi et déconseille théranostic. Danielle Candel, responsable du département LSNT (langues de spécialité, néologie terminologie) du laboratoire HTL (Histoire des théories linguistiques) du CNRS, propose la définition : « Diagnostic associé au choix et au suivi d’un traitement. »
Morphosémantiquement correct
Pour la commission, il est important que les nouveaux termes s’intègrent au système morphosémantique français. Comme on va le découvrir avec l’examen de kyphoplastie. Faut-il se contenter d’adapter l’anglais kyphoplasty, pour qualifier une intervention chirurgicale peu effractive qui consiste à redresser une vertèbre fracturée en y insérant un ballonnet qui va être gonflé puis injecté par un ciment orthopédique ? Va-t-on lui substituer cyphoplastie, de cyphose (courbure exagérée) et de plastie (chirurgie réparatrice), comme le font les Québécois ? Mais comme le fait remarquer l’un des médecins experts, plastie est une réparation qui s’applique à des organes et non à des maladies. Si l’on commence à admettre ça, où va-t-on, je vous le demande. Il suggère spondyloplastie expansive. Qu’en dit le chirurgien ? « Procédé de correction vertébrale par utilisation de technique d’expansion » reçoit l’assentiment général. On adopte ensuite odologie, nouvelle science qui étudie la voix chantée et que l’on peut traduire en anglais par odology.
En2008,la commission a ainsi proposé 32 nouveaux termes qui vont être soumis à la COGETERM, la Commission générale de terminologie et néologie au sein de la Délégation générale à la langue française. Après cet examen, les nouveaux termes sont présentés à l’Académie française. Puis renvoyés à la commission du ministère de la Santé, qui prend connaissance des remarques. Le dernier mot revient au ministre qui reste libre de préférer ôter des mots de la liste. Après leur retour à la COGETERM, les termes validés sont en effet publiés au « Journal Officiel ». La dernière publication, le 6 septembre 2008, concernait 32 termes. L’ensemble du processus prend d’un à deux ans. Ce qui fait que l’anglais a souvent largement le temps de s’implanter…
La séance se termine avec quelques questions diverses. Le Pr Laugier s’insurge contre patient naïf, repéré le matin même dans « le Quotidien du médecin » (sic). Cette traduction littérale de l’anglais naive patient ne veut rien dire en français… Le terme est fortement déconseillé. Alors que vierge de tout traitement, c’est parfait… Et l’on finit par la traditionnelle référence à la « cagnotte » (devenue virtuelle au fil des ans), où le Président reprend la liste des anglicismes qu’il a relevés au cours des discussions. Untel est symboliquement taxé pour avoir dit listing. Nul n’est parfait.
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