Dès le début de la crise sanitaire, les chercheurs de l'institut Curie se sont mobilisés pour mettre leurs compétences au service de la lutte contre le Covid-19 à travers différents projets. Vaccination, tests diagnostiques ou encore criblage de nouvelles molécules antivirales, trois chercheurs ont présenté leurs travaux lors d'un webinaire de l'institut.
L'unité Immunité et cancer est notamment bien avancée sur la question des vaccins. « Avec la biotech Stimunity, nous avions mis au point une nouvelle plateforme de vaccin, qui a d'abord été conçue pour être utilisée dans la lutte contre le cancer. Quand le coronavirus est arrivé, ce fut une évidence de l'utiliser dans ce contexte », raconte Nicolas Manel, directeur de recherche à l'Inserm et chef d'équipe de l'unité Immunité et cancer.
Modèle simplifié de l'infection
Des premiers lots de vaccin ont ainsi déjà été produits en laboratoire. « Il s'agit d'un vaccin biologique non infectieux qui combine au sein d'une même entité les molécules virales contre lesquelles on souhaite vacciner, c'est-à-dire la protéine Spike, et un immunomodulateur, décrit Nicolas Manel. Nous sommes parvenus à apporter la preuve de concept au niveau cellulaire de notre vaccin, et notre objectif est de le tester chez la souris afin de voir s'il confère une immunité protectrice ».
Pour le chercheur, la crise du Covid-19 a révélé un manque de plateformes vaccinales et de vaccins prêts à être utilisés : « nous ne sommes pas assez équipés pour faire face à des infections émergentes, nous avons besoin de développer davantage de technologies et de vaccins pour se tenir prêts ».
Nicolas Manel et son équipe s'intéressent aussi au système immunitaire du poumon et à son comportement au cours du vieillissement. Des travaux en cours sur le SARS-CoV-2 suggèrent que le système immunitaire du poumon âgé, au lieu de défendre l'organisme face à l'infection, augmente la réplication du virus, ce qui pourrait expliquer que l'âge soit un facteur de risque majeur de l'infection. Avec l'aide de l'institut Pasteur, les chercheurs ont travaillé sur un modèle simplifié d'infection au SARS-CoV-2, qui n'expose pas le personnel au risque d'infection. « Ce système a ensuite été utilisé par d'autres équipes », souligne Nicolas Manel.
La face cachée du génome
Avec son équipe, Antonin Morillon, directeur de recherche au CNRS et directeur de l'unité Dynamique de l'information génétique, bases fondamentales et cancer, travaille sur « la face cachée des génomes » : les gènes non codants. « Il est aujourd'hui admis que ces gènes sont très spécifiques d'un type cellulaire, d'un organe ou d'une pathologie, voire de la progression d'une pathologie. À l'aide des plateformes de diagnostic moléculaire de la start-up Skiagenics, nous utilisons cette propriété pour identifier de nouveaux biomarqueurs, en particulier dans les biofluides, afin d'affiner le diagnostic et le pronostic des cancers de la prostate, de la vessie et du sein notamment », détaille Antonin Morillon.
Ce savoir-faire a été mis à profit pour étudier les ARN non codants impliqués dans l'infection virale à SARS-CoV-2 en partenariat avec une équipe de Pasteur. De nouveaux gènes activés lors de l'infection ont ainsi été découverts à partir de cellules humaines pulmonaires infectées par le SARS-CoV-2 et feront l'objet d'une publication prochainement.
En parallèle, « à partir d'une cohorte de patients Covid-19 mise en place à l'institut Curie, nous tentons de détecter dans le sang la présence de signatures génomiques spécifiques au SARS-CoV-2 afin d'orienter de façon précoce les patients à risque vers le milieu hospitalier le cas échéant », poursuit le chercheur, précisant que l'objectif est d'apporter des outils pour une éventuelle deuxième vague ou une autre infection à coronavirus.
Criblage cellulaire
Sur le plan diagnostique, Franck Perez, directeur de recherche au CNRS et directeur de l'unité biologie cellulaire et cancer, et son équipe se sont concentrés sur les anticorps. « Dans mon laboratoire, nous développons des anticorps synthétiques de très petite taille appelés nanobodies, explique-t-il. Cette approche a été imaginée afin de cibler les cellules tumorales, mais elle peut très vite être transférée à d'autres pathologies ». Des anticorps ciblant les immunoglobulines des patients et d'autres dirigés contre la protéine Spike du SARS-CoV-2 ont ainsi été développés. « L'idée avec ces derniers est d'aller vers des tests très rapides, notamment des tests salivaires, plus simples », souligne le chercheur.
Sur le plan de la biologie cellulaire, Franck Perez et son équipe se sont aussi penchés sur les protéines de la cellule qui permettent au virus d'entrer et d'infecter l'hôte, telles qu'ACE2. « À l'aide de la plateforme de criblage cellulaire à haut débit Biophenics et à partir d'une collection de molécules chimiques, nous cherchons à identifier les molécules capables de perturber le transport de ces protéines et ainsi d'empêcher l'infection », détaille-t-il.
Les chercheurs ont également unanimement évoqué la question des financements. « Nous utilisons les fonds que nous avons pour d'autres projets », rapporte Nicolas Manel, saluant le soutien de l'institut Curie.
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