Le fitusiran développé par Sanofi se révèle très prometteur à plus d'un titre dans l'hémophilie sévère. Deux essais de phase 3 dans le cadre du projet Atlas montrent que ce petit ARN interférent est efficace en injections mensuelles sous-cutanées pour la prophylaxie de l'hémophilie sévère A et B avec ou sans inhibiteurs. Les résultats sont publiés dans « The Lancet » pour l'hémophilie A et B avec inhibiteurs et dans « The Lancet Haematology » pour l'hémophilie A et B sans inhibiteurs.
C'est le premier traitement prophylactique efficace à la fois dans l'hémophilie A et B, à la fois des patients avec ou sans inhibiteurs, et ce en injections mensuelles sous-cutanées participant à l'amélioration de la qualité de vie avec administration à domicile. C'est également la première fois qu'un petit ARN interférent (siRNA) est développé dans l'hémophilie. Ce type de thérapie est conçu pour interférer avec la production de protéines spécifiques. Et le fitusiran cible l'antithrombine afin d'améliorer la capacité à coaguler.
Des besoins non couverts dans l'hémophilie B avec inhibiteurs
Le traitement prophylactique repose actuellement dans les recommandations françaises sur l'administration de facteurs anti-hémophiliques en l'absence d’inhibiteur. Chez les patients avec inhibiteurs, l'utilisation des agents by-passant (Feiba et NovoSeven) est possible, mais limitée du fait de leur demi-vie courte, de leur coût élevé et d'événements indésirables (thromboses vasculaires et micro-angiopathies thrombotiques avec Feiba). L'anticorps monoclonal emicizumab (Hemlibra, laboratoire Roche) mis sur le marché en 2018 a transformé la prophylaxie dans l'hémophilie A avec inhibiteurs, surtout en pédiatrie. « En 2019, il constitue probablement le traitement de première intention dans cette indication », indique la Haute Autorité de santé.
Récemment, dans « The New England Journal of Medicine », un autre candidat, l'efanesoctocog alfa du laboratoire Sanofi, a montré des résultats très prometteurs pour la prophylaxie de l'hémophilie A sans inhibiteur.
Dans l'étude du « Lancet » , 25 des 38 patients avec inhibiteurs (66 %) qui ont reçu une injection mensuelle de fitusiran n'ont présenté aucun saignement à neuf mois, par rapport à un sur 19 (5 %) dans le groupe comparateur recevant des agents by-passant à la demande. Il s'agissait d'hommes âgés en médiane de 27 ans et d'au moins 12 ans.
Dans l'étude du « Lancet Haematology », 40 des 79 patients sans inhibiteur (51 %) traités par injections mensuelles n'ont eu aucun saignement, par rapport à deux sur 40 dans le groupe comparateur (5 %).
Une balance bénéfices/risques à évaluer
Pour le Pr Guy Young, de l'hôpital pour enfants à Los Angeles et auteur principal de l'étude du « Lancet » : « Ce pourrait être le premier traitement prophylactique (...) qui fonctionne à la fois pour l'hémophilie A et B avec inhibiteurs. Les options thérapeutiques dans l'hémophilie B sont actuellement limitées aux traitements à la demande ».
Parmi les participants avec inhibiteurs traités par fitusiran, 13 participants (32 %) ont eu une augmentation des ALAT ; dans l'essai chez ceux sans inhibiteur, c'était le cas pour 28 des 80 patients (23 %). Une thrombose a été rapportée chez deux participants avec inhibiteurs.
« L'effet indésirable le plus fréquent était l'augmentation des ALAT, qui est observée avec beaucoup de médicaments et indiqué une inflammation, explique le Pr Young. De façon importante, la plupart de ces élévations sont temporaires et n'ont pas conduit à l'arrêt du fitusiran. Dans ce contexte, cela suggère que le fitusiran n'entraîne pas de lésion hépatique à long terme, mais cet événement indésirable doit continuer à être évalué dans cet essai et dans d'autres sur le fitusiran. Les régulateurs auront besoin d'évaluer les bénéfices et les risques du médicament pour décider de l'approbation et des patients pour qui le traitement est approprié ».
Dans un commentaire associé, la Pr Flora Peyvandi, de l'Università degli Studi à Milan estime quant à elle que « le fitusiran pourrait être la première option prophylactique pour les patients ayant une hémophilie B et peut-être une alternative à l'emicizumab, la première approche de non-substitution approuvée et sous-cutanée dans l'hémophilie A. En rasion de l'efficacité élevée dans la réduction du taux de saignement annualisé, de la facilité d'administration et la fréquence faible des injections à la fois pour l'emicizumab et le fitusiran, choisir quel médicament utiliser chez les patients ayant une hémophilie A sera un défi difficile ».
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