Depuis le XVIIe siècle, et jusqu’en 1945, les Sociétés savantes médicales ont géré les connaissances, essentiellement avec leurs revues scientifiques. Créées en 1665 à Paris avec Le journal des Sçavans, à Londres avec Philosophical Transactions, les revues ont eu quatre missions : enregistrement, évaluation, diffusion et archivage des connaissances. Ces quatre missions ont traversé les âges et peu évolué. La validation de ces connaissances a été mise en place vers 1830 grâce aux relectures par les pairs avant publication. Ces « rapporteurs », selon l’Académie royale de Paris, pouvaient retarder d’un an la publication en demandant de nouvelles expériences.
Après la seconde guerre mondiale, les universités, avec la recherche et l’enseignement supérieur, ont participé à la production et à la gestion des connaissances. Ensuite des agences publiques d’évaluation ont eu la mission de synthétiser et diffuser les connaissances, souvent en partenariat avec les Sociétés savantes. Les agences ont diffusé leurs rapports sans les soumettre à une évaluation par les pairs faite par les revues. Les Sociétés savantes n’avaient alors plus la primeur de la gestion des savoirs. Les articles de recherche ont été standardisés avec moins de 10 pages, cinq à sept illustrations, 50 références et bien sûr essentiellement en langue anglaise. Les « hauts dirigeants » ont demandé de publier beaucoup dans des revues prestigieuses. Les chercheurs, les rédacteurs de revues ont compris ces messages du Publish or Perish en bricolant les données et en manipulant les revues. Le volume des articles a augmenté rapidement, et la qualité n’était pas un indicateur pour évaluer la recherche et les chercheurs.
Puis les nouvelles technologies ont eu de violentes répercussions sur les revues. Entre 1995 et 2005, les revues légitimes comme le British Medical Journal (BMJ), le Journal of the American Medical Association (JAMA), le Lancet, et The New England Journal of Medicine (NEJM) ont changé très vite. Elles sont devenues électroniques avec des développements pour être accessibles sur tablettes, ou smartphones. Les lecteurs ont voulu tout avoir, à tout moment, vite et gratuitement. C’est presque fait… sauf que le modèle économique a changé. L’abonnement (modèle lecteur payeur) est en voie de disparition. Le modèle auteur payeur a introduit d’autres dérives ; l’auteur paye des frais de traitements de son article pour qu’il soit gratuit pour le lecteur. Ce modèle apparu en 2002 s’est développé, et des revues électroniques de qualité sont venues concurrencer les revues légitimes. Par exemple, la bibliothèque de l’Université Stanford a créé en 2006 le groupe PLOS sans but lucratif, avec des revues n’ayant jamais eu de support papier.
Face à l'essor des revues "prédatrices"
Puis en 2010, des escrocs ont découvert un nouveau marché : des chercheurs payaient pour publier. Des revues, dites "prédatrices", ont été identifiées puis définies : « Les revues et les éditeurs prédateurs sont des entités qui privilégient l’intérêt personnel au détriment de l’érudition et se caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques rédactionnelles et de publication, un manque de transparence et/ou le recours à des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement. »
Depuis quelques années, les revues prédatrices évoluent vite en se professionnalisant, et des revues de faible qualité séduisent des chercheurs. Elles ont été décrites dans un rapport cosigné par 149 Académies des sciences et de médecine (avril 2022). Ces revues, qui appartiennent à des groupes privés sans liens académiques plaisent aux chercheurs : ils publient vite pour un coût inférieur à celui des revues légitimes. Elles publient aussi des numéros spéciaux en demandant à un rédacteur en chef invité de solliciter son réseau pour recevoir des articles. Ces revues publient en moins d’un mois, alors que les revues légitimes publient en trois à six mois. La relecture par les pairs est parfois rapide voire succincte, peu fiable, et permet d’accepter presque tous les manuscrits. Ces revues ont des facteurs d’impact car elles répondent aux critères pour être indexées : ces critères ne sont pas fondés sur une mission scientifique ou une qualité des publications.
Est-il possible de rendre du pouvoir aux Sociétés savantes pour gérer les connaissances ? Ce sera difficile. Des universités créent des revues en supportant tous les coûts : ni les lecteurs, ni les auteurs, ni le public averti ne payent pour accéder aux connaissances. Ce modèle appelé diamant est très vertueux, mais les métiers pour publier des revues sont difficiles et demandent beaucoup de ressources.
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