En induisant la production de certains anticorps naturels, le microbiote stimule une défense naturelle de l’organisme très efficace contre le paludisme, selon une équipe portugaise de l’Instituto Gulbenkian de Ciencia. L’équipe dirigée par Miguel Soares a montré chez la souris que des taux élevés d’anticorps anti-alpha-gal sont capables de neutraliser le parasite immédiatement après inoculation par le moustique et de bloquer ainsi la transmission de l’infection. Ces résultats ouvrent la voie à un nouveau type de vaccin, notamment à visée des enfants, sachant que les moins de 3 ans ont encore peu d’anticorps naturels anti-alpha-gal et présentent une plus grande vulnérabilité à l’infection palustre.
Certaines bactéries du microbiote, dont des souches spécifiques d’E. coli, expriment à leur surface des saccharides, de type glycanes. Ces derniers sont reconnus par le système immunitaire et entraînent la production de taux élevés d’anticorps naturels circulants chez les adultes. À partir de là, les scientifiques portugais ont émis l’hypothèse que ces mêmes anticorps pourraient reconnaître des molécules similaires exprimées à la surface du pathogène.
La cascade du complément comme arme de destruction
Bahtiyar Yilmaz, l’un des chercheurs, a découvert que le Plasmodium présente des molécules de surface appelées alpha-gal, qui sont aussi exprimées à la surface des E. coli du microbiote. Dans une série d’expériences chez la souris, ces alpha-gal bactériens étaient suffisants pour induire la production d’anticorps naturels, ceux-ci étant capables par ailleurs de reconnaître la même molécule exprimée à la surface du parasite. Le jeune chercheur ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a montré ensuite que la liaison de ces anticorps anti-alpha-gal avait lieu immédiatement après l’inoculation par le moustique et déclenchait une réaction du système immunitaire via la cascade du complément. La destruction du parasite a lieu au niveau de la peau, avant même que le parasite n’ait pu gagner la circulation générale.
Un vaccin en ligne de mire
Seule une petite fraction des adultes exposés aux piqûres de moustiques contracte le paludisme tandis que les enfants de moins de 3-5 ans sont bien plus susceptibles à contracter la parasitose. Cet état de fait suggère qu’il existe un mécanisme naturel de défense chez les adultes. En analysant les données d’une population en zone d’endémie au Mali, les chercheurs portugais en collaboration avec des confrères américains et maliens ont mis en évidence une susceptibilité accrue à l’infection chez les individus ayant des taux faibles et a contrario une susceptibilité moindre chez ceux ayant des taux élevés. Les enfants ont une production encore insuffisante d’anticorps circulants, ce qui pourrait expliquer leur plus grande vulnérabilité.
Ces résultats ouvrent la voie à une nouvelle piste vaccinale. Chez la souris, le vaccin qui s’est avéré de production relativement facile a pu générer des taux élevés d’anticorps anti-alpha-gal très protecteurs contre le Plasmodium. Il reste à savoir si le phénomène se vérifie chez l’homme, en particulier chez les jeunes enfants. Selon les estimations de l’OMS en 2012, environ 460 000 enfants africains meurent du paludisme avant leur 5e anniversaire.
Cell, publié en ligne le 4 décembre 2014
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque