Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut de microbiologie et maladies infectieuses (IMMI), vient d’être nommé par le Premier ministre Manuel Valls « coordinateur de l’ensemble des opérations internationales et nationales de réponse » à la crise Ebola.
En compagnie d’Yves Lévy, président d’Aviesan et P-DG de l’INSERM, il fait le point sur les projets menés par les organismes de recherche français avec notamment la présentation d’un nouveau test diagnostic qui permet la détection d’une charge virale en 15 minutes.
Un test rapide de détection
Le dispositif mis au point par une équipe du CEA à Marcoule, le dispositif se présente sous la forme d’une cassette de la taille d’un ticket de micro. Une goutte de sang de sérum ou d’urine est déposée sur une bandelette. Une bande test apparaît au bout d’un quart d’heure si le seuil de 100 000 copies/mL est dépassé.
« C’est un test de diagnostic positif mais pas un test d’exclusion. Son concept d’emploi dépendra des résultats sur le terrain et du choix des acteurs de terrains. » Le test se base sur l’emploi d’un anticorps monoclonal très spécifique au virus Ebola développé depuis 2012 grâce au programme de financement interministériel NRBC-E.
L’essai en Guinée se précise
Au chapitre des essais thérapeutiques, les intervenants ont rappelé la priorité donnée au favipiravir, un antiviral autorisé au Japon dans l’indication des grippes sévères. Un essai thérapeutique doit être lancé en Guinée mi-novembre et coordonné par le Pr Denis Malvy, responsable de l’unité « unités maladies tropicales et du voyageur » du CHU de Bordeaux, et le Dr Sakoba Keita, coordinateur de la lutte contre Ebola en Guinée.
L’équipe doit « travailler dans un contexte critique et parfois même hostile, explique le Pr Denis Malvy, c’est un essai adaptatif et non randomisé, un véritable challenge ». Les 60 patients inclus dans l’étude seront recrutés lors de la phase d’expansion de la virémie, quand la voie orale est encore conservée. En effet, l’évolution du patient suit deux phases qui se chevauchent.
La première phase est celle de l’expansion virémique, tandis que la seconde se caractérise par une désorganisation immunitaire accompagnée de défaillances d’organes. « Nous donnerons aussi le traitement à des patients plus avancés, mais nous n’attendons pas de miracle », poursuit le Pr Malvy. Les résultats prémilitaires sont attendus pour janvier 2015, comparant le taux de mortalité chez ces 60 patients aux 40 % généralement observés.
Parallèlement à cet essai clinique, des études précliniques sur le favipiravir, le lavimudine (un analogue nucléosidique actif sur le VIH et sur le VHB) et sur des cocktails d’anticorps monoclonaux seront entreprises au sein du laboratoire P4 Jean Mérieux, à Lyon.
Comprendre les populations locales
Vinh-Kim Nguyen, qui tient la chaire « anthropologie et santé mondiale » du collège d’étude mondiale de la fondation maison des sciences de l’homme, a annoncé un vaste programme de recherches visant à comprendre et anticiper les réactions des populations vis-à-vis de l’épidémie et des traitements. « Il y a une méfiance dans ces régions vis-à-vis de l’intervention de l’Occident qui n’est pas un atavisme culturel, a-t-il affirmé, mais qui s’explique par des mesures de contrôle de l’épidémie qui se sont mal passées. » Les sociologues vont tenter de répondre à cinq questions : quelle est la réponse de la société face à l’épidémie ? Quel est l’impact des rumeurs sur Ebola ? Comment la société perçoit et réintègre les survivants ? Comment la société perçoit les soignants ?
Quelle image les habitants ont des essais cliniques menés en urgences dans leurs pays ? Il s’agit d’études au long cours qui ne déboucheront sur des publications que dans plusieurs années.
Cohorte de survivants
Un autre projet tient à cœur à Jean-François Delfraissy : la constitution d’une cohorte de survivants afin d’isoler les facteurs de bon pronostic d’évolution de la maladie, mais aussi pour assurer la production de sérum de convalescent pour traiter les malades. « L’établissement français du sang va assurer la sécurité du donneur et du receveur dans cette région qui connaît une forte prévalence du VIH », a expliqué Jean-François Delfraissy. Une initiative similaire doit être pilotée en Sierra Leone par des chercheurs d’Oxford avec le soutien de la fondation Wellcome Trust.
Essais cliniques en cascade pour les deux candidats vaccins
Plusieurs essais cliniques ont été annoncés aujourd’hui par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant les deux candidats vaccins dirigés contre le virus Ebola qu’elle avait retenue à l’issue de sa grande consultation de septembre.
Selon le Dr Marie-Paule Kieny, sous-directeur général de l’OMS pour les systèmes de santé et l’innovation, un essai clinique débutera à Lausanne avant la fin du mois sur le vaccin utilisant comme vecteur un adénovirus de chimpanzé de sérotype 3 (ChAD3) développé par l’Institut américain des allergies et des maladies infectieuses et GlaxoSmithKline.
Ce vaccin avait déjà donné de bons résultats dans une étude publiée dans « Nature Medicine ». « Une réunion sur les aspects éthiques de cet essai a lieu en ce moment même au siège de l’OMS », a ajouté Marie-Paule Kieny.
Le deuxième candidat vaccin, basé sur le virus de la stomatite vésiculaire (VSV-EBO), n’est pas en reste. Suite au don de 800 doses par le gouvernement canadien et l’acquisition de la licence par le laboratoire américain NewLink, deux essais menés par le NIH ont commencé aux Etats-Unis. Moins de 10 volontaires ont été inclus pour le moment tandis que d’autres essais sont prévus à Hambourg, Lausanne et au Gabon d’ici à deux semaines. « Nous attendons des résultats sur la sécurité et sur les doses optimales à la fin de l’année, et des résultats sur l’efficacité dans 6 mois », a conclu Marie-Paule Kieny.
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