TRAITER l’infection à VIH à l’aide d’une chimiothérapie, il faut avouer que l’idée a de quoi surprendre. C’est pourtant ce que suggèrent les résultats d’une étude canadienne en l’associant au traitement antirétroviral de référence HAART (Highly Active Anti-Retroviral). Des chercheurs de l’université de Montréal viennent en effet de mieux identifier les « réservoirs cellulaires du VIH » responsables de la virémie persistante. Il s’agirait de deux types de cellules T CD4 mémoire, celles à mémoire centrale (T MC) et celles à mémoire transitoire (T MT).
« Nos résultats plaident en faveur d’une stratégie semblable à celle utilisée contre la leucémie : une chimiothérapie ciblée en association à un traitement immunitaire », explique le directeur de l’étude, le chercheur Rafick-Pierre Sékaly, professeur à l’université de Montréal, directeur INSERM 743 et directeur scientifique du Vaccine and Gene Therapy Institute de Floride. Alors que les thérapies antirétrovirales sont limitées aujourd’hui par l’élimination des « réservoirs du VIH », cette stratégie permettrait de détruire à la fois les virus circulants que ceux « cachés » dans les cellules du système immunitaire.
« Cette étude montre pour la première fois que les réservoirs de VIH ne sont pas dus à une insuffisance de puissance des antirétroviraux, mais à la persistance du virus dans deux types de cellules CD4 mémoire à vie longue », explique le Dr Jean-Pierre Routy, co-auteur et hématologue au Centre Universitaire de santé Mc Gill de Montréal.
Deux mécanismes distincts.
Les chercheurs ont ainsi mis en évidence qu’il existe deux mécanismes distincts impliqués dans la virémie persistante. Le réservoir T MC est celui qui persiste le plus longtemps chez les répondeurs au traitement HAART, puisque ces cellules T prolifèrent peu et survivent pendant des décennies. Il semble ainsi que l’administration prolongée d’antirétroviraux peut vider ce réservoir au fil du temps chez les sujets répondeurs et ayant un taux de CD4 normal. Le second réservoir, celui des cellules T MT, serait prépondérant chez les sujets ayant un taux faible de CD4, lesquels présentent une forte activation immunitaire. Ce serait d’ailleurs cette prolifération homéostatique des cellules T TM infectées, qui ferait que ce réservoir persiste au fil du temps. Ce résultat confirme ainsi l’idée de traiter le plus précocement par antirétroviraux, afin de limiter la taille de ce réservoir proliférant du VIH. Les chercheurs ont montré, de plus, que l’interleukine 7 (IL-7) joue un rôle important en induisant la mitose de ces cellules T TM. Il pourrait alors être envisagé que des inhibiteurs de l’IL-7 puissent également être proposés dans l’infection à VIH. Il serait envisageable, d’une part, de limiter l’activation immunitaire par ces inhibiteurs spécifiques et, d’autre part, de cibler les cellules mémoire à vie longue par des thérapies bloquant le renouvellement cellulaire, du type de celles utilisées dans les leucémies et certains cancers. En associant ces traitements au HAART, il pourrait s’avérer possible d’éradiquer le VIH chez les sujets infectés.
Nature Medicine, édition avancée en ligne.
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