Le syndrome progéroïde regroupe un ensemble de maladies caractérisées par un vieillissement accéléré. Pour identifier les mécanismes sous-jacents et déterminer leur lien avec l'avancée en âge normale, l'équipe de Miria Ricchetti à l'Institut Pasteur a choisi de s'emparer d'un outil en plein essor et au vaste potentiel : les organoïdes cérébraux.
« Nous sommes l'un des rares laboratoires qui est à l'intersection entre l'étude de ces maladies et le vieillissement physiologique. Il semble intuitif qu'il existe des liens entre les deux, mais il reste à le démontrer », explique Miria Ricchetti, à la tête de l’unité Mécanismes moléculaires du vieillissement pathologique et physiologique. L'objectif étant à terme de mieux soigner ces maladies, en prolongeant l'espérance de vie en bonne santé des patients.
L'équipe pasteurienne s'intéresse en particulier au syndrome de Cockayne, qui représente la forme de maladies progéroïdes la plus sévère avec le syndrome de Hutchinson-Gilford (progéria). « Parmi ces maladies sévères, le syndrome de Cockayne est le seul à être associé à une neurodégénérescence, souligne la chercheuse. C'est une maladie progressive : dans la grande majorité des cas, l'enfant naît apparemment en bonne santé. »
Une forte hétérogénéité clinique
Si le vieillissement est multifactoriel, le syndrome de Cockayne est monogénique, avec un seul gène muté à l'origine du vieillissement accéléré. Pour autant, il s'agit d'une maladie très hétérogène sur le plan clinique, « avec des formes qui se manifestent de façon plus ou moins tardive, avec une espérance de vie plus ou moins longue », décrit la chercheuse. Certains patients présentant une mutation du même gène vont présenter une neurodégénérescence et d'autres non, mais ces différences restent incomprises.
Les chercheurs ont en effet longtemps fait face à un écueil : ces syndromes sont difficiles à étudier, notamment du fait qu'aucun modèle animal suffisamment pertinent n'a été identifié. Leur très grande hétérogénéité complexifie aussi leur étude. D'où l'intérêt de se tourner vers les organoïdes cérébraux, dérivés à partir des cellules du patient.
« Nous pensons que si l'on comprend pourquoi certains patients développent telle ou telle forme de la maladie, nous aurons un outil de plus pour lutter contre la maladie », espère Miria Ricchetti.
Le diagnostic du syndrome de Cockayne nécessite une biopsie cutanée, ce qui permet aux chercheurs d'avoir à leur disposition un panel de fibroblastes issus de patients, à divers stades de sévérité de la maladie. Ces cellules sont reprogrammées en cellules pluripotentes induites (IPS), à partir desquelles sont constitués les organoïdes cérébraux, spécifiques à chaque patient.
Mises dans un milieu de culture approprié, les IPS sont en effet capables de s'auto-organiser de façon autonome pour former des structures en trois dimensions et reproduisent au moins une fonction de l'organe d'origine (poumon, intestin, cerveau…). On retrouve dans ces organoïdes différents types cellulaires, comme les neurones ou les cellules astrocytaires dans le cas des organoïdes de cerveau, qui mesurent de 3 à 4 mm.
« En termes de composition, il s'agit de la structure la plus proche du cerveau que l'on ait jamais obtenu », note la chercheuse, tout en précisant que ces structures restent à un stade embryonnaire et ne comprennent pas toutes les cellules et les couches présentes dans un cerveau en développement.
Une longue durée de vie
Les organoïdes cérébraux sont matures à partir de deux mois. Ils restent ensuite métaboliquement actifs mais cessent de croître. L'équipe de Pasteur les conserve pour l'instant en milieu de culture jusqu'à six mois, mais des cultures plus longues sont en cours. Certains laboratoires les maintiennent jusqu'à deux ans.
« L'avantage de cette longue durée de vie est de pouvoir réaliser des études longitudinales, ce qui est très intéressant pour pouvoir étudier la progression de la maladie, précise Miria Ricchetti. Nous pouvons suivre aussi dans le temps l'effet du stress oxydatif et des radicaux libres. »
Ces structures vont être utiles pour aider les chercheurs à répondre à cette question : quel est le rôle du gène muté dans la maladie ? Ils devraient aussi pouvoir identifier des molécules ou des facteurs qui jouent un rôle dans la physiopathologie.
L'équipe de Miria Ricchetti travaille sur deux types d'organoïdes : certains non guidés qui miment le cerveau entier, et d'autres guidés, qui sont spécifiques d'une partie du cerveau - la partie antérieure par exemple. « Les formes guidées sont beaucoup plus homogènes que les non guidées, elles sont donc très utiles pour mener des études et obtenir des résultats statistiquement significatifs avec un nombre plus limité d'analyses », explicite la chercheuse.
Avec une autre équipe de l'Institut Pasteur, les chercheurs pensent développer des organoïdes spécifiques d’autres parties du cerveau, en particulier du cervelet, qui sont affectées dans le syndrome de Cockayne.
« Nous sommes partis des travaux d'autres équipes et nous avons ensuite développé notre propre approche. Il nous a fallu seulement six mois pour la procédure de base, suivis par plusieurs mois d’optimisation pour développer des organoïdes stables et de bonne qualité, raconte Miria Ricchetti. Nous allons désormais pouvoir les analyser, notamment grâce à des méthodes de biologie moléculaire, et les modifier grâce à la technologie Crispr-Cas9. »
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