En accordant le prix Nobel de médecine au Japonais Yoshinori Ohsumi, le comité Nobel a récompensé un champ de recherche fondamentale aux multiples applications. « Ce n'est pas surprenant que Yoshinori Ohsumi soit récompensé, réagit le Pr Guido Kroemer, praticien hospitalier à l’hôpital européen Georges-Pompidou, directeur de recherche à l’INSERM et au Gustave Roussy Cancer Campus. Mais c'est rare que le prix soit octroyé à un seul lauréat. C'est une reconnaissance de l'importance de cette voie de recherche, alors qu'elle est encore totalement fondamentale et peu compréhensible pour le grand public. »
L'existence de l'autophagie, c’est-à-dire la capacité des cellules à enfermer des portions de leurs propres cytoplasmes dans des vacuoles pour les dégrader et en recycler les composants afin de produire de l'énergie sous forme d'ATP était connue depuis les années 1960 quand le Pr Ohsumi a commencé à publier ses travaux. Un premier prix Nobel avait même récompensé en 1974 un médecin belge, le Pr Christian de Duve, pour sa description du lysosome. C'est ce même lysosome qui assure la dégradation des protéines une fois fusionné à la vacuole.
Le Pr Oshumi a toutefois été « le premier à avoir découvert les gènes ATG qui codent pour les protéines régulant l'autophagie, explique Patrick Auberger, qui dirige le centre méditerranéen de médecine moléculaire de Nice. Ce qui est intéressant, c'est qu'il a décrit ces gènes chez la levure, un organisme très simple. Les mécanismes sont en effet très conservés chez l'homme. »
Un processus ubiquitaire
L'autophagie a « une fonction cytoprotectrice soit à un niveau basal, soit après stimulation », écrivent Sophie Pattingre et Patrice Codogno de l'institut Necker-Enfants malades, dans un article publié dans la revue médecine/sciences de l'INSERM. Stress cellulaire, jeûne, effet de la chimiothérapie sur les cellules cancéreuses, les situations physiologiques dans lesquelles l'autophagie est sollicitée sont multiples et variées.
« L'autophagie est impliquée dans l’embryogenèse et la différenciation cellulaire, poursuit Patrick Auberger. En recyclant certains composants, elle joue également un rôle dans la réponse au stress et au vieillissement. » Cette omniprésence la rend déterminante dans l'approche de certaines maladies. On espère ainsi réduire la résistance des cellules cancéreuses à la chimiothérapie en inhibant l'autophagie ou, au contraire, l'activer pour éliminer les protéines anormales responsables des maladies neurodégénératives.
L’autophagie, qualifiée de mort cellulaire de type 2 est étroitement liée à l'apoptose, la mort cellulaire de type 1. « On sait maintenant que les caspases impliquées dans l'apoptose sont capables de bloquer l’autophagie, tandis que les protéases de l'autophagie sont au contraire capables de cliver les protéines de l'apoptose », résume Patrick Auberger.
Un rôle encore à affiner et des débouchés à découvrir
Cette distinction n'est « pas aussi stricte », tempèrent Sophie Pattingre et Patrice Codogno, pour qui « l'autophagie peut contribuer dans certaines circonstances au déclenchement de l'apoptose ». Des travaux récents ont montré que la production d'ATP via l'autophagie est nécessaire à l'expression de signaux émis par la cellule apoptotique.
Il reste encore de nombreuses interrogations à lever autour de l'autophagie. « Nous connaissons une centaine de protéines et les mécanismes impliqués dans la plupart des maladies humaines. Mais ne savons pas encore comment ces découvertes vont être appliquées », reconnaît Patrick Auberger.
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