LE QUOTIDIEN – Nous vivons une ère d’hypertechnologie médicale, y a-t-il encore une place pour la médecine « humaniste » ?
SERGE GUÉRIN – Face à une médecine de plus en plus technologique, deux tendances coexistent. D’une part, le concept du médecin qui « ne sert plus à rien », qui appuie sur un bouton pour poser un diagnostic ; d’autre part, l’idée que les innovations technologiques vont permettre d’accompagner les médecins dans leur action. La technologie est vécue par certains comme quelque chose qui supprime la relation humaine et par d’autres comme quelque chose qui libère du temps pour la relation entre médecins et patients. Par exemple, la télémédecine peut être vue comme un moyen d’être suivi plus régulièrement par le médecin, de passer plus de temps avec lui, en évitant des coûts de déplacements qui peuvent parfois s’avérer élevés. La technologie peut apporter plus de qualité à la relation médecin-malade. Cela est d’autant plus important que, avec les progrès de la médecine, de plus en plus de maladies deviennent chroniques et que la population vit plus longtemps, ce qui signifie que l’enjeu pour les soignants est et sera d’accompagner les patients au long cours.L’aidant : un rôle dans la guérison
Quelle est la place des aidants dans ce contexte ?Le soin ne se limite pas à la technique ; d’autres choses sont en cause, d’autres acteurs entrent en jeu, dont les accompagnants. La technologie a renforcé l’importance de ces derniers. L’environnement social est une réalité du soin, une réalité de la vie de la personne. À ce titre, les aidants (proches, associations de patients, de parents ou de familles de malades) sont des auxiliaires de soin majeurs.
La population vieillissant, les pathologies chroniques étant de plus en plus nombreuses du fait des avancées médicales, la présence et l’engagement des aidants sont de plus en plus importants. Certains s’épuisent à accompagner le patient dans sa maladie, parfois sans que les soignants les aident à gérer cela. Il faut être attentif à l’aidant parce qu’il joue un rôle dans la guérison et dans le retour à un état stable.
Une démocratie de l’expertise
Comment évolue la relation médecin-patient ?Le savoir médical n’est plus vécu comme absolu. Le patient se renseigne sur Internet et a parfois l’impression d’en savoir plus que le médecin, ce qui peut mettre médecin et patient en concurrence. En parallèle, le recours aux patients-experts, même s’il reste controversé, se développe. Ces personnes ont été ou sont atteintes de la même pathologie que le patient et peuvent le conseiller sur sa maladie. Si cette démocratie de l’expertise est nécessaire, il faut veiller à ce que ces patients-experts soient bien formés.
Dans ce contexte, le respect de la prescription médicale est délicat car le patient peut avoir une attitude ambivalente : à la fois responsable de sa santé quand il se renseigne sur sa maladie et, a contrario, peu ou pas observant quant aux préconisations du médecin. Les raisons de ce paradoxe sont diverses et imbriquées. Nous vivons dans une société de défiance vis-à-vis de ce qui représente l’autorité ; d’où la méfiance de certains patients vis-à-vis des conseils du médecin. Il y a également la notion d’effort à fournir en termes d’habitudes hygiéno-diététiques (sport, alimentation, arrêt du tabagisme, etc.) et de suivi de la prescription sur la durée. La composante socio-économique joue également un rôle.
Tout cela participe à la difficulté d’accompagner le patient. Il faut que le médecin soit sensibilisé à l’éducation thérapeutique et personnalise ses conseils en fonction de la vie quotidienne du patient, pour faciliter l’observance. La vraie révolution médicale est de passer de la cure au care ; c’est-à-dire d’une logique de soins (je fais le diagnostic, je soigne et c’est réglé) à celle de l’accompagnement dans la gestion de la maladie au long cours.
Dr Véronique Ropion
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