Du Défenseur des droits Jacques Toubon au secrétaire d'État à la protection de l'enfance Adrien Taquet, en passant par les associations, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les violences à l'encontre des enfants, lors du confinement lié au Covid-19.
Désireuse de renseigner ce phénomène, l'équipe de l'Unité médico-judiciaire (UMJ) de l'Hôtel-Dieu de Paris, composée des Drs Caroline Rey-Salmon et Nicolas Soussy, de Patricia Vasseur (infirmière puéricultrice) et de Mélanie Dupont (psychologue pour mineurs) a réalisé une petite étude sur les affaires de violences physiques ou sexuelles sur mineurs pendant le confinement (du 17 mars au 11 mai 2020) et au début du déconfinement (jusqu'au 10 juin). Pour rappel, l'UMJ reçoit sur réquisition judiciaire, les mineurs victimes de violences volontaires ou involontaires, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Des violences conjugales souvent associées
« Pendant la phase 1 du confinement, nous avons constaté une diminution drastique de ces examens », rapporte le Dr Nicolas Soussy. Malgré cela, 39 enfants ont été examinés par l'UMJ, dont 23 à partir du 11 mai, date du début du déconfinement. « Cela nous semble beaucoup, bien que l'objectif de cette étude ne fût pas de mettre en évidence une augmentation des violences », commente le Dr Soussy. Parmi eux, ont été accueillies cinq fratries, représentant 13 enfants (une fratrie de trois, une de quatre et trois de deux mineurs). Le sex-ratio était de 1,2 fille pour 1 garçon. Quatre enfants (10,2 %) avaient entre 0 et 5 ans, 18 (46,2 %) entre 5 et 12 ans et 17 (43,6 %) entre 13 et 18 ans.
Les sévices observés par les médecins légistes ne différaient guère des lésions observées en temps normal. À deux reprises (5 %), une agression sexuelle accompagnait des violences physiques, sur deux filles d'une même fratrie. Des situations de négligences ont également été repérées. Le nombre de jours d’Incapacité totale de travail (ITT) variait entre 0 et 5 jours.
La personne mise en cause était dans 14 cas (35,9 %) le père de l’enfant, dans 11 cas (28,2 %) la mère, dans huit cas (20,5 %) les deux parents, dans trois cas (7,7 %) le frère ou la sœur et dans trois cas (7,7 %) l’oncle ou la tante. Des violences conjugales étaient décrites dans 12 cas (30,8 %).
Le rôle inédit du voisinage, des effets concrets du 119
« Il est trop tôt pour faire un bilan des violences faites aux mineurs pendant la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19 », considèrent prudemment les auteurs, tout en livrant leurs premières observations.
En l'absence de l'école (dont les directeurs et les soignants sont souvent à l'origine des signalements), ils notent un changement dans les circuits d'alerte, marqué par une mobilisation des voisins plus importante qu’en temps ordinaire, et des saisines plus fréquentes issues des victimes elles-mêmes. Ainsi, à quatre reprises (sur les 19 cas où l'on sait comment les autorités ont été alertées), un voisin ou un témoin a donné l'alerte. Une fois, ce fut l'ami d'un enfant. Et à trois reprises, c'est le mineur lui-même (notamment pour la fratrie de quatre où l'un des enfants a contacté le 119). « On a l'impression que la campagne autour du 119 a eu des effets concrets », avance le Dr Soussy.
Les médecins saluent aussi l'intervention des forces de l’ordre pour extraire les enfants et les accompagner aux UMJ. Ils plaident désormais pour une évaluation à distance des mineurs, afin d'évaluer leurs besoins de santé, et notamment, un éventuel besoin d'une prise en charge psychologique. L'équipe insiste enfin sur la nécessité d’examiner tous les membres de la fratrie et d'avoir à l'esprit, le lien entre violences conjugales et violences sur mineurs.
Le recueil se poursuit. « Tous les enfants, notamment à Paris, n’ont pas repris leur scolarité et risquent de révéler plus tard les violences subies », justifient les auteurs. Ajoutant : « nous avons appris au fil des années de fonctionnement que les violences sexuelles restent toujours difficiles à verbaliser ».
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