Confiner contre le Covid-19 : la seule solution, mais dont la réussite dépend de plusieurs paramètres, mettent en garde les experts

Par
Publié le 29/10/2020
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

Le corps médical, qui s'était prononcé presque d'une même voix pour demander des mesures plus strictes de lutte contre le coronavirus, salue la décision d'Emmanuel Macron de reconfiner la France, tout en restant circonspect sur sa mise en musique.

« C'est une décision forte, que nous souhaitions au conseil scientifique, et elle est rapide, ajustée à la situation sanitaire actuelle », a réagi le Pr Jean-François Delfraissy sur France Inter, ce 29 octobre.

« Le discours (du président de la République) va dans le bon sens », considère l'épidémiologiste et biostatisticienne Dominique Costagliola dans « Le Monde ».

« C'est la seule solution, mais elle arrive tard », a pour sa part estimé l'épidémiologiste Catherine Hill. Cette « mesure de dernier recours », selon ses mots, apparaît aux yeux de nombreux experts comme le révélateur d'un échec du déconfinement.

« En France, nous avons raté le déconfinement », accuse Dominique Costagliola, pointant du doigt notamment le protocole sanitaire (trop) allégé des écoles, ou encore l'insuffisance du télétravail. Et de fustiger l'action du gouvernement depuis juin, qui a « égrainé des mesures » sans action forte de nature à casser la dynamique épidémique.

« La conférence de presse du Premier ministre, Jean Castex, le 15 septembre, au cours de laquelle rien n’a été annoncée, a été une occasion perdue : on avait déjà de l’eau aux chevilles », cingle la directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Sorbonne Université, INSERM)

À quelles conditions le confinement sera-t-il efficace ?

Quelle sera l'efficacité du confinement ? Combien de temps doit-il durer ? L'incertitude est reine, ses effets ne seront tangibles que dans plusieurs semaines, et dépendent en grande partie des précisions que devrait donner le Premier Ministre Jean Castex ce 29 octobre en fin de journée.

« Le diable est dans les détails des mesures que chaque ministre va préciser », résume Dominique Costagliola.

De nombreuses voix s'interrogent sur le maintien de l'ouverture des écoles, collèges et lycées, et demandent au moins un protocole sanitaire renforcé. Ainsi du Pr Rémi Salomon, président de la Commission médicale d'établissement de l'APHP qui tweete : « Laisser les écoles ouvertes mais à condition d'un protocole sanitaire renforcé. Des masques gratuits, des systèmes d'aération efficaces, des repas en maintenant des distances, du personnel soignant et une filière de tests réservée. »

« Dès la rentrée de lundi, le protocole sanitaire sera adapté et renforcé pour assurer la protection de tous les enfants, les enseignants, les parents d'élèves, conformément à l'avis que nous a transmis (mercredi 28) le Haut Conseil de santé publique (non publié, N.D.L.R.) », a annoncé le Premier ministre devant l'Assemblée nationale ce matin. Et d'annoncer que le port du masque sera étendu aux enfants de primaire, dès l'âge de 6 ans. « Ça ne suffit pas : on fait quoi à la cantine et en éducation physique et sportive ? À ces moments-là, les gens n'ont pas le masque et ils parlent, donc ce sont des occasions de contamination », a commenté Dominique Costagliola auprès de l'AFP.

Pour Catherine Hill, le confinement doit absolument s'assortir d'un dépistage massif : « il faudrait 30 millions de tests par semaine pour suivre les chaînes de contamination et les interrompre, or on en est loin », regrette l'épidémiologiste. « Les tests antigéniques doivent être utilisés massivement, si on veut ne pas se retrouver à la même case à la sortie du confinement. »

Seulement un mois ?

Quant à la durée, le président Macron a promis de faire un premier bilan dans deux semaines. Le Pr Delfraissy est plutôt sombre. « Nous allons avoir 15 jours à trois semaines extrêmement difficiles pour le système de soins, ça va être vrai dans plusieurs régions de France », le temps que le confinement fasse effet, a-t-il expliqué.

Selon le président du Conseil scientifique, le scénario le plus probable est que le confinement, annoncé jusqu'au 1er décembre au moins, s'achève par un couvre-feu qui resterait en place pendant les fêtes de fin d'année, jusqu'à début janvier. « Il n’est pas sûr que partir sur au moins quatre semaines de confinement soit suffisant. Mais c’est bien d’avoir fixé un objectif de retour à 5 000 cas positifs par jour (vs 40 000 aujourd'hui), car tout le monde pourra en juger », a pour sa part estimé Dominique Costagliola.

L'enjeu sera d'assurer tout au long de cette course de fond la prise en charge des patients non Covid et de limiter des pertes de chance, alertent largement médecins et associations de patients.

Seule note d'optimisme : le maintien des contacts et des visites entre les résidents des EHPAD et plus largement les personnes âgées et leurs proches est salué par l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), l'association des médecins coordonnateurs en EHPAD (MCOOR), ou encore par France Assos Santé.


Source : lequotidiendumedecin.fr