Alors que les inquiétudes liées au Covid concernent aussi les enfants, en métropole et surtout aux Antilles, où la Martinique alerte sur le nombre inédit d'hospitalisations pédiatriques, tandis que la Guadeloupe demande un report de la rentrée scolaire, les sociétés savantes entendent calmer le jeu et faire retomber la pression. « Le variant Delta n’est pas responsable de formes plus sévères de Covid chez l’enfant ni le nourrisson et sa dangerosité n’apparaît pas augmentée par rapport au virus précédent », écrivent ce 24 août la Société française de pédiatrie (SFP), le groupe Covid inflammation pédiatrique et de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). « La rentrée des classes est déjà une période anxiogène en général : il faut arrêter de terroriser les parents et enfants », exhorte la Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la SFP.
Les pédiatres s'attendent bien à une augmentation du nombre de cas chez les enfants, liée à la plus forte contagiosité du variant Delta (selon l'Institut Pasteur, les enfants représenteront la moitié des nouvelles infections à l'automne). « Le Delta est un problème, il va y avoir plus de cas », reconnaît le Pr Robert Cohen, président du Conseil national professionnel de pédiatrie (CNPP) et du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP). « Et il va y avoir plus de formes graves car le virus circule plus », enchérit la Pr Gras-Le Guen. En tempérant : « par rapport à l'adulte, les proportions seront minimes ».
Pas de sévérité accrue des infections au variant Delta
« En France comme dans le reste de l'Europe, les pédiatres ne rapportent pas de signaux inquiétants en rapport avec la sévérité des infections au variant delta ». Selon Santé publique France, la courbe des hospitalisations des 0-19 ans entre le 15 mars et le 15 août demeurait stable, aux alentours de 1 pour 100 000 habitants, comme celle des soins critiques (autour de 0,2 pour 100 000 habitants). Soit 5 000 hospitalisations et 700 passages en réa depuis 2020.
« Nous avons fait le tour de toutes les réanimations pédiatriques françaises la semaine dernière : les enfants hospitalisés en soins critiques se comptent sur le doigt de la main », rapporte au « Quotidien » la Pr Christèle Gras-Le Guen.
En termes de mortalité hospitalière, SPF déplore 11 cas pour les 10-19 ans et 6 pour les moins de 10 ans au 18 août, alors que plus de 100 000 adultes sont décédés du Covid depuis le début de l'épidémie - et que les enfants et jeunes de moins de 20 ans représentent 24 % de la population.
Une incidence qui est le reflet de la circulation virale locale
L'augmentation de l'incidence et du nombre d'hospitalisations d'enfants observée dans les Antilles par exemple, s'explique par la flambée de l'épidémie dans une population peu vaccinée (au 16 août, 21,3 % des plus de 12 ans avaient un schéma complet de vaccination en Guadeloupe et 21,4 % en Martinique). « La raison essentielle de ces contaminations est la non-vaccination des adultes : les écoles étaient fermées, les enfants ont été contaminés par les adultes », commente le Pr Robert Cohen auprès du « Quotidien ».
Doit-on craindre une épidémie de syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques (PIMS) aux Antilles ? « Il y en aura probablement beaucoup, 3 à 4 semaines après le pic de l'épidémie, et les médecins doivent être sensibilisés à leur repérage », avance la présidente de la SFP. Mais elle reste prudente sur une éventuelle vulnérabilité accrue des populations afro-caribéennes. « Les premières études en avril 2020 ont bien fait état de leur surreprésentation mais cela n'a pas été confirmé par d'autres observations. Notamment au sein de notre registre français de 600 cas : le signal afro-caribéen reste un point de vigilance, mais ce n'est pas ce qui ressort en premier ».
Quant à la question de la persistance de symptômes du Covid, qui toucherait selon une étude britannique 4 à 8 % des enfants, la Pr Gras-Le Guen se veut encore une fois prudente : « un grand nombre de ces symptômes sont communs avec les manifestations d'anxiété, le concept reste flou chez l'enfant. La communauté pédiatrique française n'a pas vu par centaine de tels profils, sûrement pas dans les proportions avancées par les Britanniques ».
Vacciner, aérer, tester
Les sociétés pédiatriques rappellent les conséquences délétères que peuvent avoir sur la santé mentale des plus jeunes, les fermetures de classe ou les confinements. « Du point de vue des pédiatres, ce qui a rempli nos hôpitaux en 2021, ce ne sont pas les effets infectieux du Covid, mais ses effets sur la santé mentale, qui se sont traduits par une pandémie d'idées suicidaires », constate la Pr Gras-Le Guen.
Les experts insistent donc sur l'importance de la vaccination, pour les adolescents de plus de 12 ans et les adultes, en particulier parents, professeurs et professionnels de l’enfance, afin de réduire la circulation du virus.
Quant au protocole sanitaire prévu par l'Éducation nationale, « tout l'enjeu porte sur sa mise en application », considère le Pr Cohen. Il insiste notamment sur l'importance de l'aération des salles de classe pour contrer un variant « très contagieux, qui semble davantage se transmettre par l'air, plus que par les gouttelettes » et sur les tests. « Ceux-ci doivent être multipliés, mais en fonction de la circulation virale locale », considère-t-il.
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