AVEC LA TUNISIE, nous sommes mal partis. Nous étions si profondément impliqués dans notre collusion avec le régime de Zine el-Abidine Ben Ali que nous avons raté le coche de la révolution. La première erreur a été commise par l’ambassadeur de France en Tunisie qui a laissé croire au Quai d’Orsay que les émeutes tunisiennes seraient matées. Fraîchement arrivée au ministère des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie n’était peut-être pas suffisamment informée pour éviter son catastrophique voyage en vacances en Tunisie. MAM n’a pas démissionné, mais son homologue tunisien, qui avait fait son éloge, a dû abandonner ses fonctions sous la pression des manifestants. On a fait sauter le fusible en rappelant l’ambassadeur et on l’a remplacé par un homme, Boris Boillon, censé ramener l’harmonie entre la France et le nouveau gouvernement tunisien. M. Boillon, jeune (41 ans), mais quelque peu intempestif, était ambassadeur en Irak. Avec lui, on allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. Sûr de lui, ce « Sarko-boy » a cru qu’il allait séduire les Tunisiens par son modernisme. Son langage, qui rappelle celui du président quand il va au Salon de l’Agriculture, a consisté à traiter de « débiles » les journalistes tunisiens, désormais assez affranchis pour poser des questions pointues sur les relations de MAM avec l’ancien régime. Que doit faire le Quai ? Virer celui-là aussi ?
Une équipe de démineurs.
L’Élysée, conscient de la dégradation de ses rapports avec la Tunisie, pays proche, ami, et qui nous est cher, a préféré envoyer une équipe de démineurs, en l’occurrence Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, certainement plus posés et plus calmes que M. Boillon. Les relations économiques et politiques entre les deux pays sont trop étroites pour qu’on puisse imaginer qu’elles continuent à se dégrader. Mais on aurait pu faire l’économie d’une série de bévues qui risquent de laisser des traces chez les Tunisiens, dont la sensibilité politique est aiguisée par la révolution qu’ils ont su accomplir. Pour le moment, ils se méfient de nous en général, du président en particulier, et on peut parier que, dans leur cœur, ils votent à gauche.
La rancœur des Tunisiens s’explique par l’importance du rôle de la France dans leur pays. Heureusement, notre influence en Égypte est moins grande, de sorte que les Égyptiens, très occupés par le changement, ne perdent pas leur temps à critiquer notre lenteur à désavouer Hosni Moubarak.
Pour la Libye, c’est le passé récent qui joue contre nous. M. Sarkozy voulait faire un coup d’éclat en 2007 en obtenant la libération des infirmières bulgares. Il y est parvenu, et ce n’était pas un mince exploit, que nous avons salué en son temps. Mouammar Kadhafi a obtenu en échange diverses concessions commerciales et politiques dont l’ensemble traduisait le rapprochement entre le pays des droits de l’homme et la pire des dictatures arabes. À l’époque, Rama Yade, alors secrétaire d’État aux droits de l’homme, dénonçait en termes vigoureux et fort peu diplomatiques la visite en France du colonel. Elle faisait partie de la rançon exigée par Kadhafi pour libérer les infirmières qu’il détenait. À noter que l’Italie de Berlusconi est dans le même cas, qui s’est entendue avec Kadhafi pour qu’il repousse lui-même les immigrants clandestins africains traversant la Libye avant de débarquer à Lampedusa. Cela ne nous met pas dans la bonne catégorie. Aujourd’hui, c’est le même Kadhafi qui, avec un cynisme et une cruauté incroyables, envoie ses avions et ses chars bombarder les civils et les tuer par centaines. Une boucherie qui n’est pas terminée.
AVONS-NOUS UN PLAN POUR LES RÉVOLTES À VENIR ?
Ce n’est pas tant ce que la diplomatie française a fait qui met en cause notre pays, c’est ce qu’elle n’a pas fait. Elle n’a pas su déceler les signes avant-coureurs du fomidable mouvement de libération qui a surgi dans le monde arabe ; elle n’a donc pas su se préparer à cette éventualité ; conseillers de l’Élysée et diplomates du Quai n’ont donc pas défini le comportement de la France qui devait protéger ses intérêts tant que les régimes en place n’avaient pas disparu mais aussi après leur disparition. La diplomatie française est tellement discréditée en Tunisie qu’on demande à la ministre de l’Économie d’aller réparer les pots cassés. Et maintenant, avons-nous un plan pour l’Algérie ? Pour la Libye ? Éventuellement pour le Maroc ? L’exécutif, déjà très affaibli par la crise sociale, semble avoir perdu son dernier atout. Sa politique extérieure est en lambeaux.
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