LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Quelle est l’origine de la création de cette unité?
BENOÎT RESCH - En 2007, un colloque organisé en Haute-Normandie sur le thème de l’excision a été le point de départ d’un regroupement de médecins qui se sont mobilisés pour informer les femmes sur l’excision dans les maternités. La Haute-Normandie est la deuxième région de France qui compte le plus de femmes excisées, du fait de sa population de migrants (Mali, Sénégal, Mauritanie et, plus récemment, Nigeria, régions où l’excision est très fréquente). En rencontrant ces femmes, nous nous sommes vite rendu compte que celles-ci avaient des séquelles non seulement physiques, mais aussi psychologiques, culturelles et identitaires.
Comment sont-elles prises en charge dans votre service?
Les patientes sont vues par deux sages-femmes. Elles peuvent les informer sur les réparations, sur la grossesse lorsque l’on est excisée ou toute autre question si elles le souhaitent. Ensuite, je travaille avec une psychologue qui voit toutes les patientes qui demandent une réparation et une sexothérapeute qui travaille en amont sur les attentes en terme de sexualité. J’ai aussi des médiatrices qui appartiennent à l’association FIA (Femmes Inter Associations), qui propose à certaines femmes de discuter avec elles. Certaines sont contentes de pouvoir discuter avec des femmes de leur communauté. On a aussi une antenne du GAMS (Groupe d’action contre les mutilations sexuelles), au sein de laquelle un médecin fait une vacation. L’idée est de ne pas tout focaliser sur la mutilation génitale mais aussi de donner des informations plus générales. Grâce à notre chaîne médicale de prise en charge, nous réussissons surtout à offrir un suivi et un discours uniformes aux patientes.
Les femmes arrivent dans notre service soit par le biais de la consultation de grossesse, soit parce qu’on leur en a parlé pendant leur grossesse et elles viennent après, soit encore parce qu’elles sont demandeuses de réparation. On ne leur impose pas un parcours ! Nous n’opérons qu’une patiente sur deux. Certaines viennent pour de l’information ou pour être rassurées. D’autres mettront plusieurs années avant de se décider pour la chirurgie.
À quel âge l’excision est-elle pratiquée, en général?
Le plus souvent c’est vers 3-4 ans. En général, l’excision est pratiquée en groupe, au moment d’une fête dans le village. Aujourd’hui, heureusement, elle est interdite et condamnée en France. Les enfants français qui seraient excisés sur le territoire national, ou les enfants étrangers vivant en France qui seraient excisés lors d’un retour en vacances dans leur pays d’origine – c’est notre angoisse la plus importante – sont donc protégés par la loi. Les visites obligatoires de l’enfant chez le pédiatre jusqu’à 6 ans peuvent être utilisées pour la prévention. On a cependant constaté que l’excision était parfois repoussée au-delà de 6-7 ans, justement dans ce petit laps de temps où l’enfant n’est plus suivi de façon obligatoire.
Quels sont les risques liés à l’excision?
Il peut y avoir des complications hémorragiques suivies de décès, une infection (tétanos, VIH ou hépatite), parce qu’on a utilisé la même lame de rasoir d’une fille à l’autre. À moyen et long termes, ce sont les complications urinaires les plus fréquentes. Parfois, ce sont des problèmes d’infertilité que l’on constate, à cause d’une difficulté de l’écoulement des règles, qui infectent alors l’utérus et les trompes. Des douleurs physiques peuvent se manifester (névromes, kystes, douleurs au moment des rapports sexuels). On note également des conséquences obstétricales : l’excision multiplie par trois le risque d’hémorragie au cours de l’accouchement ; elle augmente les risques de césarienne, de mort néonatale, etc. Les conséquences psychologiques sont également assez fréquentes : troubles identitaires, de la féminité, de la sexualité, dépression, etc.
Quels types d’interventions chirurgicales pratiquez-vous?
Il y a deux types d’intervention. La réparation chirurgicale des conséquences de l’excision : des patientes consultent parce qu’elles ont par exemple une fermeture de la vulve, un névrome, un kyste au niveau des glandes de Skene, etc. Il y a ensuite l’opération du clitoris, qui a pour but de restaurer l’anatomie grâce au fait que le clitoris est un organe enfoui. Quand il y a excision, il y a rétractation du clitoris. Se forme alors une cicatrice fibreuse. Si le moignon est de bonne qualité, on va pouvoir enlever la cicatrice, désinsérer le clitoris qui s’est rétracté, enlever toute la fibrose pour retrouver des tissus nerveux et sensoriels, puis le réamarrer. En général, on en profite pour faire une plastie des lèvres, qui ont été coupées au moment de l’excision.
DES SÉQUELLES PHYSIQUES, PSYCHOLOGIQUES, CULTURELLES ET IDENTITAIRES
Le deuxième type d’opération est le plus demandé par nos patientes. On obtient 85 % de bons résultats anatomiques. Au niveau sensoriel, c’est environ 70 % de récupération dans les 2 ans, sachant que 60 % des patientes qui viennent nous voir n’ont pas du tout de sensation ni de désir sexuel. L’intervention, prise en charge par la Sécu sociale, a lieu sous anesthésie générale, pour ne pas leur faire revivre leur excision, si ça avait lieu en local. La phase postopératoire de 8 à 15 jours est globalement douloureuse. Il faut prendre des antalgiques adaptés car c’est une zone sensible. Il faut pratiquer des soins locaux. La cicatrisation se fait en général en 4 à 6 semaines.
Y a-t-il un suivi postopératoire?
On leur propose évidemment de les revoir après l’opération. Certaines ont besoin d’avoir des conseils pour améliorer leur sexualité. L’impact psychologique, après l’acte chirurgical, est souvent plus fort que l’impact physique. Parfois, lorsque nous ne sommes pas satisfaits sur le plan anatomique, on est surpris dans certains cas d’entendre le retour de patientes qui est positif alors que nous sommes peu satisfaits sur le plan anatomique des résultats.
En un an, nous avons vu 80 femmes pour cette démarche et nous en avons opéré environ 35. C’est une expérience débutante toutefois positive puisque nous avons 80 % de satisfaction.
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