« QUAND J’ACHÈTE un objet, confie le médecin collectionneur, je l’observe en détail, je l’ausculte, je recherche minutieusement les symptômes de son authenticité, en faisant appel à toute la FMC que j’ai emmagasinée depuis une trentaine d’années sur le sujet, bref, je pose un véritable diagnostic. » Le Dr Yves-Robert Omejkane manie volontiers la métaphore médicale quand il évoque les oucheptis Han et Tang (petits serviteurs funéraires en terre cuite), les gourdes Ming en porcelaine ou les bronzes sinotibétains qu’il a réunis dans sa collection.
Ses « compagnons d’éternité », ainsi qu’il les nomme en mêlant familiarité et révérence, jouent un rôle essentiel dans sa vie d’omnipraticien : « Après douze heures passées à traiter des maux et des souffrances en tous genres, ils m’apaisent, ils me protègent du burnout. Ces objets sortis de la nuit des temps sont ma soupape ; quand j’étais hospitalier dans un service hémopédiatrique, où je voyais mourir tous les jours des enfants, sans eux, je serais devenu fou. » Et de citer un illustre devancier : « Avant d’attaquer ses journées, Freud allait saluer tous les matins une statue chinoise qui lui était particulièrement chère. »
C’est à l’âge de 20 ans, à l’occasion d’un remplacement de gardien de nuit au musée du Louvre, qu’arpentant les salles d’art égyptien, dans la crypte d’Isis déserte, que s’est produit en lui le déclic : « Comme si, raconte-t-il, Isis m’avait parlé et m’avait transmis un mystérieux espoir dans l’au-delà, avec toutes les prières, les émotions et les regards d’admiration qu’elle a suscités au fil des siècles, qui survivent après la mort dans l’art sacré. »
Mais les antiquités égyptiennes sont hors de sa portée. Pour des raisons d’accessibilité, le Dr Omejkane s’orientera donc vers l’immense fond accumulé en 4 500 ans par l’histoire chinoise. « Peu à peu, j’ai fait mon œil, dit-il. Puisant dans les ouvrages spécialisés, arpentant les expos, rencontrant des experts sinologues réputés, tel Christian Deydier, je suis devenu un habitué des galeries, de Sotheby’s et de Christie’s. Aujourd’hui, j’épluche les catalogues, je me rends aux expositions quelques jours avant les ventes et j’enchéris en ligne, toujours avec une montée d’adrénaline majeure. »
Cet amateur de plus en plus éclairé réussit quelques jolis coups. Récemment, trois de ses acquisitions, dont sa « Fat Lady » Tang, ont même eu les honneurs du « Figaro ». Il a aménagé un bureau musée, son « sas de décompression », à son domicile. Soixante-dix pièces y sont exposées, dont une vingtaine qu’il qualifie de majeures.
Passeur de passion.
Sacha Guitry distinguait les collectionneurs placard, plutôt secrets, des collectionneurs vitrines. Le Dr Omejdane se classe plutôt dans la première catégorie. Ce qui ne l’empêche pas de vouloir jouer les « passeurs » auprès des confrères : « J’ai souvent constaté que ma passion suscitait l’intérêt de beaucoup d’entre eux. Mais très peu vainquent leur timidité et osent passer à l’acte.C’est pour eux que je ferai ces trois recommandations :
– Fréquentez les galeries connues et les experts réputés en évitant de vous jeter tête baissée sur un cavalier han en terre cuite que vous trouvez joli, mais qui a 80 % de chances d’être une copie.
– Achetez à contre-courant : ne cédez pas aux effets de mode qui vous mettraient en concurrence avec des enchérisseurs redoutables. Moi-même je me suis spécialisé dans l’antiquité funéraire quand j’ai compris que celles-ci n’étaient pas recherchées par les riches collectionneurs chinois.
– Gérez votre temps et votre budget. Restez modeste, n’essayez jamais d’obtenir une pièce d’exception pour en mettre plein la vue. Personnellement, je me fixe un budget annuel, par exemple autour de 13 000 euros. Et je ne dépasse jamais de plus de 20 % au-dessus des fourchettes hautes d’estimation. »
En temps de crise, il ne faudrait pas confondre les salles de vente avec Las Vegas.
Pour contacter le Dr Omejkane : yrodoc@sfr.fr.
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