Soumettre son corps à des températures descendant jusqu'à -170° C, voire -195° C, a-t-il un effet thérapeutique ? « On ne sait pas, car il n'y a pas de preuves solides pour l'affirmer, ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas efficace », répond le Dr Soumaya Ben Khedher Balbolia, chercheuse à l'Inserm, et co-auteur d'une expertise sur la cryothérapie, réalisée dans le cadre d'une convention avec la Direction générale de la santé visant à évaluer les médecines non conventionnelles.
La cryothérapie corps entier (CCE) est l'exposition du corps entier dans une chambre cryogénique pendant 2 à 3 minutes, à un froid sec (-110 à -170° C). Une autre version, corps partiel, consiste à se glisser dans une cabine cryogénique ouverte au niveau de la tête, dans laquelle est diffusé du gaz liquéfié (-110 à -195° C). Utilisée en France depuis 2004 chez les sportifs pour prévenir et traiter les pathologies musculaires et inflammatoires de l'appareil locomoteur, la cryothérapie s'est depuis largement développée, ciblant un large éventail de pathologies ou promettant beauté et bien-être aux non-malades. Ceci en dehors de tout encadrement.
Quatre indications retenues
« Il existe quelque 600 publications sur PubMed, mais rares sont les études solides. Les essais cliniques incluent trop peu de sujets pour tirer des conclusions », observe le Dr Ben Khedher Balbolia. En outre, « les études existantes sont des évaluations à court terme, à maximum trois semaines, alors que les indications retenues sont des maladies chroniques », ajoute la chercheuse.
Au final, cinq essais cliniques et une revue de la littérature ont été incluses dans l'expertise, portant sur quatre indications : la prise en charge de la douleur lombaire, de la fibromyalgie, des troubles anxieux et dépressifs et de la polyarthrite rhumatoïde. « Ces études suggèrent que l'adjonction de trois semaines de cryothérapie pourrait améliorer les symptômes » dans les troisièmes premières indications, lit-on. Néanmoins, l'hétérogénéité des protocoles et les risques de biais limitent la fiabilité de ces résultats.
Les chercheurs n'ont pas identifié d'essai clinique contrôlé fiable évaluant l'efficacité de la CCE dans d'autres indications ciblées, comme la sclérose en plaques ou la spondylarthrite ankylosante. « La cryothérapie ne peut en aucune façon revendiquer de traiter efficacement des cancers ou d'autres pathologies somatiques sévères », assurent-ils.
Quant aux indications sportives, une méta-analyse Cochrane incluant quatre essais (et 64 sujets) conclut que les données probantes sont insuffisantes pour appuyer l'utilisation de la CCE dans la prévention et le traitement des douleurs musculaires.
Brûlures et céphalées
« Plusieurs effets secondaires ont été rapportés dans des études de cas publiées, des témoignages de professionnels, ou des affaires en justice : brûlures au 1er ou 2e degré, céphalées ou accentuations des douleurs, urticaire chronique au froid, panniculite à froid, intolérances digestives, ictus amnésique », note le rapport. Un cas de dissection de l'aorte abdominale a été décrit. Les agences sanitaires américaines et canadiennes alertent, elles, sur les risques d'asphyxie liés à l'azote. Enfin, l'INSERM met en garde contre des pertes de chances qu'encourraient des patients, qui, trompés par le discours de certains centres sur les « bienfaits » de la CCE sur certaines indications comme le cancer, abandonneraient leur traitement conventionnel.
Si l'INSERM n'a pas pour mission d'émettre des recommandations, l'expertise met en évidence la nécessité de conduire des études scientifiques robustes sur la cryothérapie, et l'importance d'un encadrement averti : formation des professionnels, marquage CE des appareils, protocoles d'utilisation, information et consentement du patient, etc.
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