S'affirmant menacé de mort, le prix Nobel de la paix 2018, le Dr Denis Mukwege est soutenu par plusieurs ONG et médecins, tandis que la protection promise par l'Organisation des Nations Unies (ONU) tarde à se mettre en place.
Depuis fin juillet, le gynécologue congolais spécialisé dans la reconstruction des femmes victimes de viol particulièrement mutilant, et fondateur de l'hôpital Panzi, au sud de Bukavu (capitale de la province du Sud-Kivu), en République Démocratique du Congo (RDC), fait l'objet d'une campagne d'intimidation, qui vise également sa famille et ses collègues de Panzi. La raison : il a publiquement dénoncé le massacre d'une vingtaine de personnes, la nuit du 16 au 17 juillet, dans le village de Kipupu, sur les hauts plateaux du Sud-Kivu, à la frontière du Rwanda. « Ce sont les mêmes qui continuent à tuer (…) dans la ligne droite des massacres qui frappent la RDC depuis 1996 », a-t-il écrit sur twitter.
Appel à la justice
Le message du Dr Mukwege est le reflet d'un combat qu'il porte de longue date : la mise en place d'un tribunal pénal international pour la RDC afin de juger les responsables de crimes commis depuis les années 1990. « Ce n’est pas une justice de vengeance. C’est une justice pour tout simplement éviter la répétition de ces crimes », a-t-il déclaré lundi 31 août devant la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.
Le médecin demande en outre que soit déterré le rapport « Mapping » réalisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) il y a dix ans. Il s'agit d'une somme de 500 pages, documentant 617 violations graves des droits de l'homme, commises entre mars 1993 et juin 2003. Le rapport, qui liste des auteurs présumés de ces violences, notamment des Congolais, Rwandais ou Ougandais, cristallise toutes les tensions entre la RDC et le Rwanda, ce dernier le critiquant violemment. « Aujourd’hui, le problème, c’est que beaucoup de criminels se cachent dans les armées ou administrations dans leurs pays parce que nous n’avons pas un tribunal pénal international qui permet de les chercher », a expliqué le Dr Mukwege au Parlement européen, appelant à une « coopération judicaire avec les pays impliqués, notamment l'Ouganda, le Burundi et le Rwanda ».
Les Nations Unies ont réclamé une enquête sur les menaces dont fait état le Dr Mukwege - une requête acceptée par le président congolais Félix Tshisekedi, arrivé à la tête du pays en janvier 2019. « Nous travaillons ensemble sur des solutions durables qui permettent à ce que le docteur Mukwege et l'hôpital (de Panzi) soient protégés par les institutions congolaises, par le Congo, et bien évidemment la mission en tant que partenaire jouera son rôle », a assuré le 2 septembre la responsable de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), Leïla Zerrougui.
Retard dans la mise en œuvre d'une protection concrète
Mais l'ONG Amnesty International dénonce le retard dans la mise en œuvre de mesures concrètes. « Nous sommes très préoccupés par le fait que deux semaines après l’engagement pris par le président Félix Tshisekedi de protéger Denis Mukwege, son gouvernement et les autorités onusiennes n’ont toujours pas acté de mesures concrètes en ce sens. En outre, malgré la promesse du président Félix Tshisekedi, aucune enquête n’a pour le moment été ouverte sur les menaces reçues », a déclaré le 4 septembre Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et région des Grands Lacs d’Amnesty International.
Pétition française
« Nous exhortons expressément l’ONU de re-déployer en urgence une brigade de la Monusco pour protéger le Dr Denis Mukwege, sa famille ainsi que l’hôpital Panzi et son personnel. L'absence de mesures prises pour mettre rapidement en œuvre la protection de la Monusco signifierait que l’ONU renonce à sa mission fondatrice », écrit de son côté la Dr Muriel Salmona, présidente de Mémoire traumatique et victimologie, membre du comité scientifique de la Chaire internationale Mukwege, dans une pétition sur internet, signée par plus de 37 000 personnes (ce 8 septembre au matin), dont plusieurs personnalités engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes (Dr Gilles Lazimi, Ernestine Ronai, etc.).
Le Dr Mukwege a déjà été victime d'une tentative d'assassinat en octobre 2012. Des hommes armés avaient fait irruption chez lui, et tué son garde du corps. Après un court exil en Europe, il était revenu en RDC en janvier 2013, où il a bénéficié de la protection de l'ONU jusqu'en mai 2017.
Mise à jour (10 septembre) :
Des policiers des Nations unies protègent de nouveau depuis le 9 septembre la clinique Panzi. « Nous saluons le redéploiement des éléments de la Monusco (Mission des Nations unies au Congo) à Panzi depuis ce matin pour assurer la sécurité des malades ainsi que de notre personnel », a écrit sur son compte Twitter le Dr Mukwege.
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