L’HOMME OCCIDENTAL considère désormais son propre organisme comme un ennemi. Et y est encouragé par le corps médical. « Notre médecine post-pastorienne confine à l’égotisme étrange et paradoxal d’une lutte contre soi », écrit Luc Périno, auteur du remarqué « A quoi sert vraiment un médecin ? » (le « Quotidien » du 10 mai 2011). Le souci de l’amélioration de la santé s’est, en effet, transformé en une omniprésence de la maladie, en une confusion entre facteurs de risques et pathologie, en une recherche effrénée de l’absence de risque ; bref, à la peur permanente et généralisée. D’ailleurs, explique l’interniste genevoise Laurence de Chambrier, le médecin est prié d’organiser la surveillance des biens portants pour détecter d’éventuels malades : « Le concept de prévention a conduit à l’idée totalement irréaliste que toute atteinte à l’homme, par la violence d’une agression humaine ou par la maladie est inacceptable et que le but à atteindre est le risque zéro ».
Certificats et permis.
Prenant pour exemple les multiples certificats de « bonne santé » désormais exigés pour vivre en société (pour les loisirs, le sport, les voyages, les emprunts, le travail), Laurence de Chambrier démontre dans un essai vif et convaincant, l’ineptie et la violence d’une société qui exige du médecin qu’il se prononce à la place du citoyen. Lequel n’a pas légitimité à dire « je suis en bonne santé ». Et souligne l’inutilité, en terme sanitaire, de la plupart de ces certificats : « La visite médicale pour tous les sportifs représente plus un rituel de l’ordre de la pensée magique qu’une mesure permettant d’éviter un nombre significatif de morts », explique-t-elle, chiffres à l’appui. De fait, les décès liés à ces activités ne sont pas plus fréquents aux USA ou au Danemark, où ces certificats d’aptitude ne sont pas obligatoires, qu’en Italie ou en France. De surcroît, cet exercice est particulièrement coûteux (un demi d’euros par an dans notre pays) alors que, en période de récession, la question de la priorité des dépenses devrait être à l’ordre du jour, souligne justement la Genevoise.
Hormis cette question budgétaire, la multiplication des « permis de vivre sa vie » sous forme de certificats médicaux obligatoires doit nous interroger sur le rôle social du médecin, sur la perte de liberté du citoyen et sur la déresponsabilisation de la société dans son ensemble. Luc Périno, rappelle lui aussi les paradoxes de notre système sanitaire et souligne l’inadéquation entre des investissements croissants en médecine et la pauvreté des effets en termes de qualité de vie. La réduction des inégalités sociales, l’intervention politique via des actions législatives, la révision des politiques de dépistage au profit d’autres engagements seraient plus efficaces pour améliorer l’état de santé des populations occidentales que bien des mesures adoptées.
*Luc Périno, Les nouveaux paradoxes de la médecine, La santé entre science, raison, profit et précaution, Le Pommier, 230pages, 20 euros; **Laurence de Chambrier, Le patient malgré lui, Réflexions sur le certificat de santé obligatoire, L’Harmattan, 80 pages,11,50 euros.
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