L’EX-CANDIDATE à la présidence de la République n’a rien perdu de sa vivacité. Elle déplore le comportement de Nicolas Sarkozy. le jour où il l’a reçue, peu après sa victoire aux élections. Il manquait, dit-elle, de « hauteur ». Il aurait dû la féliciter d’avoir recueilli 17 millions de voix. Elle raille « sa petite étoile de shérif et son pistolet en plastique, son déguisement de cowboy ». Elle estime que Martine Aubry la considère encore comme sa « sous-ministre », que les épouses de Lionel Jospin et de Dominique Strauss-Kahn la détestent, que M. Jospin a « perdu sa grandeur », que Jack Lang est un « manipulateur et un geignard », que Laurent Fabius s’est caché « derrière Martine pendant le congrès » socialiste. Elle se moque de ceux qui lui ont reproché sa prestation au « Zénith » où elle estime n’avoir commis aucune « transgression ». Bref, les lecteurs en auront pour leur argent mais la politique n’y aura pas beaucoup gagné.
Mme Royal vaut mieux que son livre et que ses recettes pour retenir l’attention de l’opinion. Elle a tout à fait raison de penser qu’elle continue à représenter la moitié des militants socialistes. Elle a été écartée du pouvoir par une Martine Aubry qui, bien qu’elle veuille incarner lla rigueur en politique, s’est emparée du pouvoir socialiste par une manuvre à la fois habile et cynique, et considérait de son devoir d’épargner au PS une femme qu’elle perçoit toujours comme incompétente, superficielle, versatile, c’est-à-dire idéologiquement inconstante.
Le PS entre deux femmes.
Tout se passe comme si les socialistes vont garder Mme Aubry pour le meilleur et pour le pire. Non seulement Mme Royal est soigneusement tenue à l’écart, mais ses partisans n’ont pas la moindre petite place dans le bureau national. L’équipe d’Aubry est sérieuse et austère, elle est priée de se taire et de travailler. Elle ressemble à sa patronne, laquelle a déteint sur Benoît Hamon, qui n’est jamais drôle. Arnaud de Montebourg peut dire sur le pouvoir des choses encore plus désagréables, mais au moins il fait rire quelquefois.
On notera en tout cas que, aujourd’hui, le PS, c’est une femme au pouvoir et une autre femme qui voudrait bien le lui prendre. On ne niera donc pas que, depuis deux ans, le rôle des femmes en politique s’est sensiblement accru. Mme Royal, dans son livre, dénonce le sexisme de M. Sarkozy et de tous les hommes de gauche, il n’en demeure pas moins que les Fabius, Delanoë et Strauss-Kahn ont été marginalisés, pour le moment tout au moins.
Ce qui ne veut pas dire que le quota des femmes dans les institutions soit suffisant. D’aucuns affirmeront, par expérience, qu’elles ne changent pas la face du monde, mais ils font une mauvaise analyse. L’idée que les femmes peuvent faire mieux ou plus que les hommes n’a aucun sens. Ce n’est pas parce qu’elles feraient mieux qu’elles doivent être mieux représentées, mais parce qu’elles constituent la moitié du monde et qu’elles ont donc droit à la moitié des sièges.
Il est également stupide de les juger d’après leur comportement, leurs commentaires ou leurs livres. Elles prouvent seulement qu’elles peuvent être aussi méchantes que les hommes, qu’elles sont tout aussi sévères ou agressives et qua la féminité n’entraîne nullement l’arrivée de la douceur en politique. Il suffit de se rappeler les exemples de Margaret Thatcher et d’Indira Gandhi. Mais soit parce que les Françaises se passionnent pour le combat politique de leurs surs, soit parce que les hommes se régalent de leurs histoires non sans les analyser à travers le prisme de leurs préjugés, les femmes politiques ont un succés médiatique supérieur à celui des hommes.
C’est vrai à droite comme à gauche. Pratiquement, le mois de janvier a été consacré à Rachida Dati. Elle a accouché, on en a parlé avec ravissement. Elle est allée au conseil des ministres cinq jours après, il s’en est suivi un débat national extraordinairement intense pendant trois semaines et qui n’est peut-être pas terminé. M. Sarkozy la nomme deuxième tête de liste UMP aux élections européennes, les journaux sont pleins d’informations sur la « répudiation » de la ministre de la Justice qui abandonnera ses fonctions gouvernementales au printemps prochain et s’est accrochée à un poste (qu’elle a plutôt mal défendu) en suppliant le président de ne pas la désavouer, en tout cas pas tout de suite. Tout cela ne fait pas progresser non plus la politique.
La plus sage, la plus sereine, alors qu’on pouvait tout craindre de ses facéties, c’est Roselyne Bachelot ; elle a réussi à conserver son périmètre de pouvoir et garde la main sur son secrétaire d’État aux Sports, qui n’est pas vraiment un astre. On n’en dira pas autant de Nathalie Kosciusko-Morizet, personne fraîche, très jeune, compétente et aimable, dont son ministre de tutelle, Jean-Louis Borloo (qu’elle avait traité de lâche), s’est empressé de se débarrasser. Ni de Rama Yade, qui a exalté tant de citoyens quand sa beauté et son sourire sont apparus, mais qui a refusé au président (« Qui t’a faite reine ? ») un rôle dans les élections européennes, celui-là même,semble-t-il, que Rachida a accepté contrainte et forcée. Bref, dans leur ascension ou dans leur chute, les femmes politiques retiennent notre attention et nous font retenir notre souffle.
Ce qui est extrêmement inquiétant, c’est que, pour le chef de l’État, elles sont des instruments de l’ouverture. Voyez combien de femmes j’ai placées au gouvernement ; mais, si elles ne conviennent plus, je peux m’en dispenser. Ce n’est pas de cette manière que la conquête de la démocratie par les femmes aura lieu. D’une part, elles doivent servir des causes, pas des objectifs médiatiques ; d’autre part, si elles doivent rester femmes jusqu’au bout des ongles, il faut qu’elles prennent leur job plus au sérieux que ne l’a fait Rachida et parfois avec un peu d’humilité que Rama.
LES FEMMES NE DOIVENT PAS ÊTRE QUE LES INSTRUMENTS DE L’OUVERTURE
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