Pour se rendre au centre de santé sexuelle Le Griffon, il faut à peine monter les pentes de la Croix-Rousse, ce quartier lyonnais emblématique, bien connu du public LGBTQI+. Cette localisation n’est pas un hasard. Ouvert depuis le 5 septembre, le centre s’étend sur 300 m2 et propose une approche globale en santé sexuelle pour les publics les plus exposés aux infections sexuellement transmissibles (IST) : communauté LGBTQI+, travailleuses et travailleurs du sexe puis, dans un second temps, personnes migrantes. La Dr Camille Rolland, médecin de santé publique, y officie à temps plein depuis début novembre, aux côtés de deux infirmiers.
La pièce où elle s’est installée diffère des cabinets classiques : le bureau qui sépare habituellement la chaise du patient de celle de son médecin se trouve ici sur le côté, l’ordinateur se fait discret. Une configuration harmonieuse qui invite davantage à l’échange. « Notre but, c’est de travailler sur tout ce qui relève de la sexualité avec une nouvelle approche, notamment grâce à nos deux médiateurs communautaires. On médicalise moins les prises en charge et en même temps, on adopte une approche beaucoup plus pair-aidante. Puisqu’on connaît les pratiques des personnes qui viennent ici, on sait entendre leurs problématiques. »
Sélectionné via un appel à manifestation d’intérêt national lancé en 2019, le projet du Griffon, financé en partie par l’agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes et les collectivités territoriales, est porté par l’association Virages Santé. Il s’inscrit dans une démarche expérimentale, régie par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui vise à instaurer des dispositifs de soins innovants pour répondre à des besoins spécifiques. Dans ce contexte, trois autres centres ont ouvert à Marseille, Montpellier et Paris, gérés chacun par une association distincte. « Ces centres établissent une jonction avec les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) et apportent une offre complémentaire au public LGBT », ajoute la Dr Rolland.
Un parcours patient à 360°
À quoi peut-on s’attendre sur place ? « Après l’accueil administratif, un entretien est prévu avec l’un des médiateurs communautaires qui, selon les besoins, orientera vers un parcours personnalisé », décrit-elle. Sept autres médecins généralistes peuvent remplacer la Dr Rolland, « pour une présence permanente ». Les horaires décalés ont été pensés pour un accès aux soins simplifié, sans obligation de rendez-vous, de midi à 21 heures.
Des spécialistes interviennent ponctuellement pour des consultations adaptées : sexologue, addictologue, psychologue, ainsi qu’un proctologue pouvant exercer avec un kinésithérapeute. Vaccinations, rappels, suivis de traitement et prévention complètent l’offre. « Il est primordial de demander d’abord aux personnes comment elles se sentent dans leur sexualité, avec leur corps et dans leurs relations sociales, indique la Dr Rolland. Ces questions fondamentales donnent de premières indications. Ensuite, on aborde le dépistage. »
Un laboratoire intégré
En plus des prises de sang, des autoprélèvements pharyngés, urinaires et anaux sont possibles, sans nécessité d’intervention extérieure. Le laboratoire de dépistage intégré au centre garantit des résultats en 90 minutes pour détecter le VIH et l’hépatite C, et pour détecter la présence de chlamydia et gonocoque. « La rapidité des résultats est un avantage pour les usagers, qui peuvent profiter de ce laps de temps pour s’informer et échanger sur place avec le personnel, souligne la médecin de santé publique. De notre côté, le procédé limite les patients perdus de vue. » Pour détecter d’autres IST, telles que la syphilis, des laboratoires partenaires apportent une réponse complémentaire dans un délai d’environ 48 heures.
De 2015 à 2020, Le Griffon avait déjà ouvert dans les pentes, sous un format différent qui réunissait des professionnels de santé et du milieu associatif, toujours sous l’égide de Virages Santé. L’association a repris du service pour cette nouvelle version expérimentale, qui compte parmi les lieux nécessaires à la santé des métropoles, alors que l’offre en santé sexuelle reste saturée dans les grandes villes et majoritairement hétéronormative.
« Depuis la création des Cegidd, en 2015, les choses ont beaucoup évolué sur le sujet des sexualités, nuance Camille Rolland. Il faut maintenant laisser le temps aux professionnels de santé de s’outiller et de se renseigner. » Depuis son cabinet, elle rappelle l’évidence : « nous sommes ouverts depuis quelques mois. En plus des patients qui connaissaient l’ancien centre, les personnes qui viennent ici sont celles qui ont les moyens d’être informées. L’enjeu, aujourd’hui, est de faire venir toutes les autres. »
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