En France, des personnalités du monde de la psychiatrie et de l'addictologie demandent la prise en compte des personnes atteintes de maladie mentale dans la stratégie vaccinale contre le Covid-19. Au niveau européen, un appel publié dans le « Lancet psychiatry » ce 17 février regrette que seulement quatre pays considèrent explicitement les patients psychiatriques comme des populations prioritaires.
Selon l'article publié dans the « Lancet psychiatry », cosigné par des organisations de santé mentale* de toute l'Europe (et pour la France, par la Pr Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental), seulement quatre pays sur 20 − le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni − accordent une priorité explicite dans l'accès à la vaccination, aux patients souffrant de troubles psychiatriques sévères (« severe illness »).
Le reste de l'Europe n'en fait mention qu'indirectement : huit autres pays, dont la France, évoquent la psychiatrie ou la maladie mentale dans les documents officiels présentant leur stratégie vaccinale, tandis qu'une majorité (16 sur 20) juge prioritaires les personnes vivant en institution, âgées de moins de 65 ans. « Cela ne suffit pas. La grande majorité des personnes atteintes de troubles mentaux sévères vivent hors institution et sont donc complètement ignorées de la plupart des plans de vaccination », commente l'auteure principale, la Dr Livia de Picker (hôpital psychiatrique universitaire Campus Duffel, Belgique).
Pourtant, « plusieurs études de qualité ont montré des risques (odds ratios) de formes graves de Covid-19 voire de décès pour les maladies psychiatriques sévères, en particulier la schizophrénie, égaux ou supérieurs à d'autres comorbidités à risque, prises en compte dans la priorisation », lit-on. « Une stratégie fondée sur les preuves veut que la maladie mentale sévère fasse partie de cette liste des comorbidités à risque ». Selon les travaux, les patients psychiatriques seraient 65 % plus susceptibles d’attraper le Covid-19 et jusqu'à deux fois plus susceptibles d’en mourir.
S'adressant aux autorités européennes et nationales, ainsi qu'à la communauté scientifique, les auteurs demandent en outre que les patients et familles participent à la définition des stratégies vaccinales et que les aidants et accompagnants s'engagent à faire de l'éducation autour de la vaccination.
Vers la prise en compte des schizophrènes en France ?
Dans une note du 15 février 2021 (non encore publié), le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale proposerait de compléter son précédent avis du 13 janvier 2021 relatif à la vaccination des populations à très haut risque, en recommandant l'accès prioritaire à la vaccination anti Covid-19 pour les personnes atteintes de schizophrénie, indiquent dans un communiqué les Prs Amine Benyamina, président de la Collégiale Addictologie AP-HP, Emmanuelle Corruble, présidente de la Collégiale Psychiatrie AP-HP, Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, et Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam.
« Nous, soignants, chercheurs et proches de ces malades, tenons à saluer cette position du Conseil d'orientation qui prend en considération l'extrême vulnérabilité de ces personnes », écrivent-ils, appelant à transformer cette recommandation en décision, en l'étendant à l'ensemble des personnes atteintes de maladie mentale. Quelque 600 000 personnes en France seraient concernées par la schizophrénie et 1,6 million par les troubles bipolaires. Selon la Fondation FondaMental, les maladies mentales affectent une personne sur cinq chaque année et une sur trois si l’on se réfère à la prévalence sur la vie entière.
*notamment le Collège Européen de Neuropsychopharmacologie (ECNP), l’Association Européenne de psychiatrie (EPA), la Fédération européenne des associations de familles de personnes atteintes de maladie mentale (EUFAMI), l’Alliance mondiale des réseaux de défense des maladies mentales-Europe (GAMIANEurope), la section de psychiatrie de l'Union européenne des médecins spécialistes (UEMSPsychiatrie)
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