LE QUOTIDIEN - Quel regard portez-vous sur les trois mesures phares de ce PLFSS : le praticien territorial de médecine générale, la rémunération forfaitaire du travail en équipe et l’optimisation du parcours de santé des personnes âgées ?
XAVIER BERTRAND - Ces mesures n’apportent aucune réponse aux vrais défis auquel est confronté notre système de santé. Quid de la démographie médicale ? Pas un mot ! Pire, les outils les plus pertinents comme les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) sont en train d’être broyés dans le mécano-technocratique et bureaucratique. Étant maire de St Quentin (Aisne), je me vois contraint de lancer des MSP sans labellisation, et en me passant du financement d’État si je veux que les projets voient le jour en moins de douze mois !
Je fais aussi partie du conseil de surveillance du centre hospitalier de la ville, où je vois bien la paperasse et toute cette « réunionite » subie par les professionnels de santé contre laquelle nous avions engagé une simplification… Pas un mot non plus sur le temps médical dans ce PLFSS ! J’estime qu’il est aussi de ma responsabilité de dénoncer ce fonctionnement. L’excellence du système de santé repose avant tout sur les personnels, et non sur les techniques et les établissements. L’attitude du gouvernement et de la ministre de la Santé est dangereuse.
Côté recettes, les nouvelles taxes levées sur la bière et le tabac vous semblent-elles suffisantes ?
Devine-t-on derrière ces taxes un véritable projet de santé publique ? Non. Le gouvernement refuse de s’attaquer au vrai sujet, celui de la baisse des dépenses. Du coup, il est obligé de racler les fonds de tiroirs et de chercher des petites économies. Cent millions par ci, 50 millions par là… Où est la politique européenne d’harmonisation des taxes sur le tabac ? Où est la lutte contre la contrebande ? Avoir relevé l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) à 2,7% est un mauvais signal, cela revient à laisser à nouveau les dépenses déraper. Je ne vois pas comment maintenir l’équilibre de la sorte.
Le secteur du médicament a été mis à rude contribution, avec un effort de près d’un milliard d’euros demandé…
Marisol Touraine ne fait que suivre la voie ouverte l’an dernier, quand j’ai dénoncé la trop grande consommation de médicaments en France et leurs prix trop élevés. Ligne qui est toujours la mienne aujourd’hui. Il faut continuer à demander des efforts à l’industrie du médicament dans les années qui viennent. Tout en prenant garde de ne pas casser l’innovation.
Le PLFSS a supprimé le secteur optionnel, dispositif pour lequel vous vous êtes longuement battu. Que pensez-vous de son successeur, le contrat d’accès aux soins ?
Concernant les dépassements, si chacun – caisses, conseils de l’Ordre, commissions spécialisées dans les hôpitaux – avait pris ses responsabilités, on n’en serait pas arrivé là. Ces négociations tragicomiques qui se sont déroulées sous la menace d’une loi dont la ministre ne voulait pas ont finalement pu aboutir grâce à l’esprit de responsabilité des représentants des médecins. Au-delà de cet accord, ce qui me gêne, c’est la tentation du gouvernement d’éteindre doucement le secteur II et de mettre un terme à l’exercice libéral à l’hôpital comme le révèle l’amendement de Christian Paul (député PS de la Nièvre). Je ne veux pas qu’on en arrive à un mouvement de déconventionnement qui entraînerait l’essor d’une médecine à deux vitesses. Six mois après les élections, il y a un véritable malaise au sein du corps médical alors que rien ne peut se faire sans la confiance des médecins et sans faire confiance aux médecins.
Or, lors de ces négociations, la ministre a montré du doigt 100 % des professionnels de santé alors que seuls 2 % d’entre eux pratiquent des dépassements supérieurs à trois fois le plafond Sécu. Elle a fait des médecins des boucs émissaires, c’est inacceptable. Si Mme Touraine n’aime pas les médecins et ne les comprend pas le minimum est qu’elle les entende et les respecte.
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