?Pourquoi recommander aujourd’hui le dépistage organisé du cancer du col alors que sa mortalité ne cesse de diminuer et que l’on a désormais un moyen de prévention avec la vaccination ? N’est-il pas un peu tard ?
?Pr Jean Jacques Baldauf. Lorsqu’il s’agit de sauver des vies on arrive toujours trop tard et j’aurais, bien sûr, applaudi des deux mains si on avait proposé le dépistage organisé il y a 15 ans… Mais de nombreux arguments plaident toujours en faveur du dépistage organisé. D’une part, il reste mille décès chaque année liés au cancer du col de l’utérus, dont 200 évitables par une simple organisation du dépistage. D’autre part, concernant la vaccination, je pense que les strates de populations qui ne sont pas dépistées seront à peu près superposables à celles qui ne sont pas vaccinées. De plus, aujourd’hui, la vaccination n’est pas systématique et nous avons un taux de couverture de 30 %, loin de l’objectif de 60 % recommandé par les experts pour être vraiment efficace en termes de santé publique. Enfin, le cancer du col de l’utérus est le cancer le plus apte à être dépisté parce qu’il a une histoire pré-invasive très longue et parce que le traitement de ces lésions est spécialement facile et efficace.
?Pourquoi impliquer autant le médecin traitant ?
?Nous avons vu en Alsace (où le dépistage organisé est en place, à titre expérimental, depuis 1994, ndlr) que la frange de patientes non dépistées est constituée de femmes qui ne vont jamais chez le gynécologue alors qu’elles vont maintes fois chez leur médecin traitant pour une hypertension, une grippe, etc. Si on ne passe pas par le médecin traitant, si on ne les implique pas directement, je crois qu’on rate un vecteur essentiel du dépistage. Or c’est la non-participation au dépistage qui est le principal facteur de risque de cancer du col et non tel ou tel mode de vie ou habitude sexuelle.
?N’y a-t-il pas un risque de surdiagnostic et de surtraitement ?
??La première source de surdiagnostic, c’est, bien entendu, tous les faux positifs. Or bon nombre de ces faux positifs sont le résultat de laboratoires trop prudents qui cotent en excès. Et, là, il est clair que l’organisation du dépistage autorise des confrontations cyto-histologiques qui permettent très rapidement de pointer ces excès. Le risque de faux négatif existe aussi mais comme on répète les frottis, et compte tenu de la longue période pré-invasive, la conséquence de ces faux négatifs est nulle pour la patiente. Alors que la conséquence d’un faux positif qui débouche éventuellement sur un traitement inutile n’est pas aussi négligeable que cela, notamment pour les futures grossesses.
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« Le cancer le plus apte à être dépisté »
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