Il y a un an de cela, j’ai été contacté par une consœur légiste, et qui est en charge du service de santé universitaire de Perpignan. Cette dernière était alertée par les salariés de cette structure sur le fait que les étudiants (il y en a 10 000) avaient des difficultés pour trouver un médecin généraliste. Une collègue qui travaillait quelques années auparavant avait jeté l’éponge, et de ce fait aucun médecin généraliste n’officiait depuis de nombreux mois au sein de cette structure de santé.
Malgré mon emploi du temps très ou plutôt trop bien rempli, j’ai répondu présent par curiosité. En fait, j’avais la volonté de me confronter à un monde que je ne connaissais pas bien. En effet, outre mon activité libérale classique, j’interviens régulièrement dans plusieurs centres de sans abris. En conséquence je ne me suis jamais frotté au particularisme, et à la complexité concernant la santé des étudiants.
Une vision surprenante de la médecine auprès des étudiants de l’université
Dès le départ, j’ai bien expliqué que je ne pouvais intervenir qu’une demi-journée par semaine, cela sans qu’il y ait de limitation au niveau du nombre d’étudiants consultés. On m’a néanmoins fait comprendre que je devais quitter le centre de santé à 17 heures car le personnel ne travaillait pas au-delà de cette heure. De plus, les étudiants qui veulent consulter durant les périodes de vacances scolaires devaient trouver une autre solution car le personnel bénéficie statutairement d’un droit de congés scolaires comme les étudiants (certains restent durant toutes les vacances).
En moins de 15 jours après mon arrivée, j’ai pu recevoir une vingtaine d’étudiants en quatre heures dont la grande majorité (90 %) était d’origine africaine. Cette population exprime une demande médicale classique, mais ce qui est quelque peu surprenant et parfois perturbant, c’est de voir que certaines problématiques de santé n’ont pas été prises en compte par un médecin depuis de nombreux mois.
Ainsi, j’ai pu voir un étudiant ivoirien ayant une altération de l’état général (asthénie, amaigrissement, anorexie). En parallèle il présentait une mycose buccale et un problème de transit (diarrhée). Compte tenu de ces éléments, et en me référant à des critères utilisés en Afrique, j’ai pensé qu’il avait contracté le VIH, ce qui était le cas. Un autre jeune venant du Burkina Faso avait une plaie au niveau de son pied, et aucun praticien ne voulait le consulter car il n’avait qu’une attestation d’AME.
Outre le nombre important de jeunes qui viennent pour une consultation avec des maux qui ont été souvent négligés par certains professionnels de santé, cette participation m’a permis de mettre en évidence le mal-être (il a été majoré par la pandémie du Covid-19) de certains étudiants qui ont des difficultés pour trouver une écoute chez un professionnel de santé, ou qui veulent se confier par petites touches (pudeur probable) à un soignant qui les prend en compte.
Par ailleurs, j’ai pu noter une discrimination vis-à-vis du soin qui n’est pas due à l’origine ethnique de ces jeunes, mais surtout au fait que les confrères exerçant à proximité n’ont plus de créneaux disponibles pour les prendre en charge.
De plus, j’ai été surpris par le fait que de nombreux étudiants n’avaient qu’une couverture santé partielle ou étaient en AME. Dans ma jeunesse, il était impossible de s’inscrire dans une université sans avoir une couverture sociale de qualité, ce qui est visiblement devenu accessoire actuellement. Dans le cas de l’AME, les médecins généralistes libéraux doivent attendre de nombreux mois avant de se faire rétribuer, élément qui explique les raisons de cette discrimination au soin.
Bien entendu, ce rôle de vacataire qui est une expérience très enrichissante sur un plan humain va bientôt se terminer. En effet, une jeune collègue a accepté de travailler à mi-temps au sein du service de santé universitaire. Cette prise de fonction me réjouit totalement, et reste une très bonne nouvelle pour ces étudiants.
Une solution simple pour un système de soins de qualité
Pour pouvoir avoir un système de santé universitaire de qualité plusieurs conditions doivent être prises en compte. Le fait que les médecins travaillant au sein de ces services soient mieux rémunérés. Le fait que les organismes sociaux ne pénalisent pas les médecins qui acceptent les AME, et fassent un effort pour que les feuilles envoyées soient remboursées rapidement. Le fait que nos organismes sociaux, mais aussi nos politiques puissent prendre en compte l’importance de cette prise en charge. Nous ne devons pas perdre de vue que ces jeunes seront plus tard les décideurs au sein de notre société, et de ce fait nous devons les écouter et les soigner de manière convenable.
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