La chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique est une spécialité riche. Riche financièrement, bien sûr, mais aussi riche de tous les clichés qui lui collent à la peau : honoraires faramineux, patients aussi fortunés que célèbres, cliniques au luxe tapageur… Une légende dorée que Charles Botter, qui prendra au semestre prochain un poste de docteur junior en chirurgie plastique à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), n’est pas loin de considérer comme du folklore télévisuel. Il faut dire que le jeune homme, tout en prévoyant de s’installer dans le privé, a pour projet de garder une activité hospitalière, et pas n’importe laquelle : la reconstruction du clitoris auprès des femmes ayant subi des mutilations génitales.
« J’ai toujours voulu faire de la chirurgie, mais au tout début, je m’orientais plutôt vers la chirurgie thoracique ou la chirurgie orthopédique », raconte le futur Cristolien. Mais assez tôt dans son externat, il réalise qu’il n’a pas rencontré beaucoup de praticiens heureux dans ces deux spécialités. La chirurgie plastique, en revanche, semble à ses yeux concentrer « tous les bons côtés de la chirurgie, sans les mauvais » : on y trouve une forte technicité et une grande variété de domaines, mais on n’y est pas ou peu contraint par les gardes et autres astreintes. « Et puis, ajoute-t-il, le côté artistique de la discipline fait qu’on n’est pas près de nous remplacer par une intelligence artificielle. »
Auprès des victimes
Sachant qu’un excellent classement aux ECN est un prérequis non-négociable pour réaliser son projet, Charles décide de s’en donner les moyens. « J’ai travaillé à fond pour avoir cette spécialité, et j’ai fait 422e », dit-il sans fausse modestie. Mais sa véritable rencontre avec ce qui va devenir sa passion a lieu lors d’un stage à l’hôpital de Gonesse (Val-d’Oise). « Un chirurgien de l’hôpital faisait de la reconstruction du clitoris auprès de femmes victimes d’excision en clinique, et il nous a invités à venir le voir », explique-t-il. C’est alors un véritable tournant professionnel qui s’opère.
« C’est vraiment une prise en charge globale, il faut retracer le parcours de la patiente, il faut avoir des connaissances en psychologie, en sexologie, et le geste chirurgical ne vient qu’à la fin, détaille Charles. Il s’agit de personnes qui ont subi des violences, parfois des viols, et c’est important de prendre cela en compte avant d’intervenir. » L’interne décide alors d’orienter sa maquette afin de faire de la reconstruction clitoridienne sa surspécialité. « J’ai notamment décidé d’aller me former à l’hôpital de Saint-Denis, où on la pratique beaucoup », raconte-t-il. Il a également fait de ce domaine son sujet de thèse, et s’est mis à publier sur le sujet : il a notamment fait paraître cette année une revue de la littérature sur les techniques de reconstruction après mutilations génitales féminines*.
Rester lucide
Reste que si la reconstruction génitale sera, au moins dans les prochaines années, l’activité principale du jeune médecin d’Henri-Mondor, elle ne sera à terme pas sa seule activité. « On a la chance d’avoir une spécialité très vaste, et tout m’intéresse », avoue-t-il. Il espère bien, une fois son cursus terminé, avoir, « en plus, une activité en ville en chirurgie plastique, en chirurgie esthétique générale, mais aussi en médecine esthétique ». Car si sa principale motivation est loin d’être financière, Charles est bien conscient d’avoir choisi une voie qui lui permettra d’avoir une aisance matérielle que nombre de médecins pourraient lui envier. Il est d’ailleurs très lucide sur ce point.
« Pour moi, il s’agit avant tout d’avoir une certaine qualité de vie, avance-t-il. Mais il faut faire attention, car on voit beaucoup d’internes arriver avec l’argent pour motivation principale, et faire assez facilement des droits au remords. » Son conseil aux jeunes externes ? « S’informer sur ce que la chirurgie plastique peut faire, passer en stage, et surtout ne pas penser qu’à l’argent, répond-il. C’est une spécialité chirurgicale où nous avons des responsabilités importantes, il faut savoir pourquoi on la choisit. »
* Botter C, Sawan D, SidAhmed-Mezi M, et al. Clitoral Reconstructive Surgery After Female Genital Mutilation/Cutting: Anatomy, Technical Innovations and Updates of the Initial Technique. J Sex Med 2021;18:996–1008.
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