Qui n’a jamais eu l’envie de faire subir une cure d’amaigrissement drastique à ses avis d’imposition ? Ce rêve est une réalité sonnante et trébuchante pour les médecins qui ont décidé d’exercer en Zone franche urbaine (ZFU) ou en Zone de revitalisation rurale (ZRR), deux dispositifs qui visent à favoriser l’implantation d’entreprises sur des territoires jugés difficiles. Ils permettent non seulement une exonération substantielle de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, mais aussi, du moins dans le cas des ZRR, une réduction des charges sociales pour les cabinets qui ont des employés.
Ces deux mécanismes ont vu le jour au milieu des années 1990. Les ZFU concernent des quartiers urbains de plus de 10 000 habitants qui présentent des indicateurs particulièrement défavorables en matière de chômage, d’éducation ou encore de pauvreté. Les ZRR concernent quant à elle des communes rurales qui se distinguent par la faiblesse de leur densité de population et de leur revenu par habitant. On dénombre en tout une centaine de ZFU, tandis que près de 15 000 communes bénéficient du dispositif ZRR.
Exonération totale d’impôts
Concrètement, ainsi que l’explique le ministère de l’Économie sur son site, les médecins exerçant en ZRR sont totalement exonérés d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés pendant les cinq premières années suivant leur installation. Pendant les trois années suivantes, l’exonération se poursuit, mais de manière dégressive (75 % la 6e année, 50 % la 7e année, 25 % la 8e année). L’avantage fiscal que les entreprises tirent de ces dispositions ne peut pas excéder 200 000 euros sur une période glissante de trois exercices.
Pour ce qui est des ZFU, l’exonération est similaire, mais un peu moins généreuse : l’allègement fiscal est également prévu pour durer cinq ans, puis trois de manière dégressive, mais il ne peut dépasser 50 000 euros sur 12 mois. Notons cependant qu’en cas d’embauche d’une personne résidant dans le quartier, ce montant peut être augmenté à raison de 5 000 euros par salarié. « C’est une incitation supplémentaire qui peut permettre d’embaucher quelqu’un pour le secrétariat, par exemple, et c’est finalement une incitation à améliorer ses propres conditions de travail », estime le Dr Luc Duquesnel, président de la section « généralistes » de la Confédération des syndicats médicaux français (Les Généralistes-CSMF).
Par ailleurs, les cabinets installés en ZRR bénéficient d’une incitation supplémentaire à « améliorer leurs conditions de travail », pour reprendre les mots de Luc Duquesnel : une exonération des charges sociales patronales pour les employés qu’ils salarient à leur cabinet. Cette exonération est totale jusqu’à 1,5 Smic, et dégressive entre 1,5 et 2,4 Smic. Elle est cependant limitée à 12 mois, et elle ne concerne plus les ZFU, du moins celles créées après le 1er janvier 2015. Autre avantage accordé aux ZRR, et non aux ZFU : les premières sont, contrairement aux secondes, exonérées de la Contribution économique et territoriale (CET).
Lisibilité
Pour Luc Duquesnel, les ZFU et les ZRR sont des mécanismes dont le bilan reste très positif. « Ce qui est intéressant, c’est qu’il s’agit de dispositifs qui s’inscrivent dans la durée, ce qui permet d’avoir des perspectives », commente-t-il. « Ce n’est pas comme les zones d’intervention prioritaires, par exemple, qui peuvent être revues tous les deux ans. » Bien sûr, il faut avec ces zones franches, comme avec tout autre avantage, savoir anticiper la fin. Mais c’est dans ce cas relativement facile à intégrer. « Même sur huit ans, on peut faire un business plan », estime le généraliste.
Si celui-ci devait trouver des points faibles aux deux dispositifs, ils seraient plutôt de nature systémique. « Il y a un risque d’effet d’aubaine, avec des personnes qui peuvent déplacer leur activité de quelques kilomètres pour bénéficier de l’avantage », regrette le président des Généralistes-CSMF. « Cela peut parfois déstabiliser l’offre sur un territoire. » Mais surtout, la nécessité d’avoir ce genre de zone franche pour éviter que l’offre de soins ne déserte certaines zones est selon Luc Duquesnel un cruel révélateur de l’état du système de santé. « Cela veut dire que le modèle médico-économique de la médecine générale libérale est bien malade », soupire le syndicaliste.
A. R.
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