Là où je suis en stage, il existe plusieurs lignes de garde. Quand nous sommes de garde aux urgences pédiatriques, nous pouvons être appelés à partir de minuit par toutes les structures gériatriques alentour. Certaines se trouvent en dehors de l’hôpital : l’interne s’y rend en voiture de fonction.
J’ai assisté à une réunion sur l’organisation des gardes avec des médecins seniors, des représentants de l’hôpital et quelques internes. Afin d’illustrer un système probablement antérieur au temps où j’étais en PACES, j’ai pris l’exemple d’un dimanche de garde de 24 heures où l’on est appelé à 3 h du matin par l’une de ces structures. J’ai soulevé la dangerosité de conduire après 18 heures de travail intensif, en pleine nuit, sur une route inconnue, parfois sous les intempéries. Une senior m’a coupé net : « Oh, c’est bon ! Tu ne vas pas à Dunkerque ! » Je n’ai pas su rebondir. Le second argument m’a enterré : « De mon temps, je l’ai fait ! »
Cette réponse me laisse bouche bée mais ne représente heureusement pas la manière de penser de toutes les personnes présentes. Elle reflète pourtant celle d’un grand nombre de chefs dans les hôpitaux. Certains entretiennent l’idée que les mauvaises conditions de travail font partie de l’apprentissage de la médecine.
En finir avec le « j’ai souffert, tu souffriras »
Lorsque j’ai exprimé mon point de vue, je ne m’attendais pas à ce qu’on me réponde « oui c’est vrai, on va supprimer ce système ». Le manque d’effectifs et de moyens donnent lieu à ce genre de fonctionnement. Nous pourrions cependant discuter de solutions, comme se faire conduire par un agent de sécurité, par exemple. Minimiser le danger ne fait pas avancer le débat. Quant au deuxième argument, « J’ai souffert alors tu souffriras » ... heureusement que certains pensent différemment.
Aujourd’hui, les internes ont un repos de garde, c’est une réelle avancée, n’en déplaise aux partisans du « de mon temps ». Les choses évoluent, les mentalités aussi. Il faut nous adapter et avancer ensemble, peu importe notre âge ou notre situation. Rester confraternels, solidaires et ouverts au dialogue. Nous nous sommes engagés sur une route longue et parfois semée d’embûches. Ne la rendons pas plus compliquée en roulant à contresens.
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