Les aventures d’Antigone

Movember, une autre prévention

Publié le 13/11/2021

En parallèle de mes études de médecine, je fais de la recherche en sociologie des discriminations. Pour Movember (événement organisé chaque année en automne pour sensibiliser sur la santé masculine), la Fnek (Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie) m’a demandé d’intervenir sur le sujet de la masculinité, sa construction et ses conséquences.

Crédit photo : DR

Ces derniers temps, j’étais en stage en psychiatrie et addictologie. Il y aurait des tas de choses à raconter sur le sujet (à commencer par les équipes infirmières, incroyables), mais je voulais partager l’histoire de vie d’un patient.

Enfant, il a été incestué par son oncle, pédocriminel. De fait, il a commencé la drogue à 12 ans, le trafic à 14 ans. À fait des allers-retours en prison. A rencontré quelqu’un et s’est rangé. Et puis, les tracas de la vie l’ont fait replonger dans l’alcool. Il a frappé son épouse et a continué à boire jusqu’au point de rupture, où il a tenté de mettre fin à ses jours.

Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. Et pour cause. Les hommes boivent et 73 % des décès sont imputables à l’alcool. Les hommes se droguent : 80 % des usager·e·s sont des hommes. Les hommes sont des criminels : 96,3 % de la population carcérale, 90 % des personnes condamnées par la justice, 95 % des vols de véhicule, 90 % des destructions et dégradations. Les hommes agressent, violent, frappent. Ils représentent 97 % des auteurs de violences sexuelles et la majorité des pédocriminels. 213 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année. Ils sont responsables de 99 % des viols. Les hommes tuent : 86 % des personnes mises en cause pour meurtre, 84 % des auteurs d’accidents de la route mortels. Et à l’heure où j’écris ces lignes, on compte 97 féminicides en 2021. Enfin, les hommes se suicident : ils représentent 75 % des gens qui mettent fin à leurs jours.

Quel est le point commun entre tous ces chiffres ? Bingo. Ce sont des hommes. Et tout cela a un coût : entre justice, santé, victimes, cela reviendrait à 95 milliards d’euros par an en France.

Mais pourquoi ? ! Peut-être parce qu’il faut être un homme, un vrai : bagarreur, Don Juan, fort, qui ne pleure pas, ne craque pas…

Tout cela n’a rien d’inéluctable. Il ne s’agit pas de la « nature » de l’homme mais bien d’acquis culturels. Dont tout le monde paye le prix. En effet, cette violence masculine ne s’explique ni par nos ancêtres du paléo­lithique, ni par la testostérone (les études prouvent le contraire), ni par des pulsions, sinon tous les hommes agresseraient les femmes dans la rue.

Les hommes subissent donc des injonctions genrées et ce, dès le plus jeune âge : au collège, 92 % des élèves sanctionnés pour actes relevant de l’atteinte aux personnes et aux biens sont des garçons. Ainsi, les hommes sont les victimes collatérales du sexisme. Mais ce culte de la virilité, qui l’a mis en place ? Et pour qui compte-t-il finalement ? Les hommes.

Comme le dit si bien Olivia Gazalé, philosophe qui travaille sur le genre et la sexualité, ceux qui oppriment les hommes sont les hommes eux-mêmes.

Alors, prenons ces chiffres pour ce qu’ils sont : un vrai problème de santé publique. Que faire ? Je suppose que la réponse est « éduquer ». Mais ce n’est pas notre rôle…

Nous pouvons en revanche dépister, et essayer d’arriver à rendre les questions sur les violences – sur les enfants, les violences sexuelles… –, l’alcool, la drogue et la santé mentale aussi banales que les questions sur la tension et les traitements.

Myriam Dergham est interne de médecine générale à Saint-Étienne

Sources :

La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace – Francis Dupuis Déri

Le mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes – Olivia Gazalé

Le cout de la virilité - Lucile Peytavin

L’homme préhistorique est aussi une femme

Anthropologie de l’inceste – Dorothée Dussy

https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/DCC2019.pdf

https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/03/25812-DICOM-CC-2016_B_bd21.pdf


Source : lequotidiendumedecin.fr