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Après ma retraite d’hospitalier, pourrai-je exercer en libéral dans une clinique voisine ?

Publié le 05/11/2021

Besoin d’une aide juridique dans le cadre de votre activité médicale ? Les lecteurs du « Quotidien » ont soumis leurs questions à Maître Maud Geneste et à Maître Jacques-Henri Auché, avocats au cabinet Auché, partenaire du journal.
 

Oskar
Bonjour Maître.
Chirurgien hospitalier depuis 27 ans, avec activité libérale statutaire, âgé de 62 ans, je souhaiterais arrêter de prendre des gardes, et ne continuer que mon activité de chirurgie réglée. Il se trouve que tous les collègues de mon service ont à peu près le même âge. La clause "sauf nécessité de service" empêche donc ma Direction d'accéder à ma demande car si tous les chirurgiens arrêtent de prendre des gardes, il y aura un problème... J'envisage donc de prendre ma retraite (j'aurai tous mes trimestres en juin 2022) et d'aller continuer une petite activité libérale de chirurgie programmée dans la clinique d'à côté qui est prête à m'accueillir. La direction de l'hôpital peut-elle m'empêcher d'exercer dans une clinique voisine après mon départ en retraite ?
Par ailleurs, le cumul emploi retraite m'obligerait à cotiser à la CARMF à fonds perdus, sans acquisition de points. Ne ferais-je pas mieux de demander un temps partiel à l'hôpital (le minimum possible) et d'aller opérer mes patients programmés en clinique ? Même question: la direction de l'hôpital peut-elle s'y opposer ? En vertu de clauses de non concurrence ? On m'a dit que si l'hôpital faisait jouer cette clause de non concurrence, il devait m'indemniser ?
Merci de votre avis.
Cher Docteur,

S’agissant d’exercer une activité libérale après votre retraite, pour l’instant, tant que le décret d’application de l’article L6152-5-1 du Code de la santé publique n’est pas encore été pris, l’hôpital ne peut pas vous empêcher.

En effet, l’article L6152-5-1 dispose que:

"I. - Lorsqu'ils risquent d'entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé dans lequel ils exerçaient à titre principal, il peut être interdit, en cas de départ temporaire ou définitif, aux praticiens mentionnés à l'article L. 6151-1, au 1° de l'article L. 6152-1 et à ceux mentionnés au 2° du même article L. 6152-1, dont la quotité de temps de travail est au minimum de 50 % d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie. 

Le directeur de l'établissement fixe, après avis des instances mentionnées aux articles L. 6143-5 et L. 6144-1, les conditions de mise en œuvre de cette interdiction, par profession ou spécialité, selon des modalités définies par voie réglementaire. 

L'interdiction ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois et ne peut s'appliquer que dans un rayon maximal de dix kilomètres autour de l'établissement public de santé dans lequel les praticiens mentionnés au premier alinéa du I du présent article exercent à titre principal. 

En cas de non-respect de cette interdiction, une indemnité est due par les praticiens pour chaque mois durant lequel l'interdiction n'est pas respectée. Le montant de cette indemnité ne peut être supérieur à 30 % de la rémunération mensuelle moyenne perçue durant les six derniers mois d’activité (…) Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat". 


Pour l’instant cet article, permettant au directeur de l’hôpital de s’opposer à votre installation libérale en cas de concurrence avec l’établissement, n’est pas applicable, car le décret d’application n’a pas été pris. En outre, il faudrait que l’hôpital ait élaboré " les conditions de mise en œuvre de cette interdiction, par profession ou spécialité » dans son règlement intérieur par exemple.



Il est vrai qu’en cas d’installation en libéral après avoir liquidé votre retraite, vous relevez du dispositif du cumul activité/retraite et avez l'obligation de cotiser aux régimes de base, complémentaire, ASV et ADR auprès de la CARMF, sans acquérir aucun nouveau droit à la retraite.


S’agissant de vous mettre en activité réduite pour exercer une activité extérieure,  il n’y a pas de clause de non concurrence, mais vous devez demander l’autorisation à votre hiérarchie, laquelle peut refuser pour nécessités de service.

suivant l'Article R6152-46 du Code de la santé publique: 

"Les praticiens hospitaliers peuvent être autorisés à exercer une activité hebdomadaire réduite, sous réserve des nécessités du service.

L'autorisation est accordée par le directeur de l'établissement après avis du chef de pôle et du président de la commission médicale d'établissement. 

La période pour laquelle l'autorisation est accordée ne peut être inférieure à six mois ou supérieure à un an ; elle peut être renouvelée sur demande de l'intéressé. Les demandes doivent être présentées deux mois à l'avance. 

Les obligations de service hebdomadaires sont fixées entre cinq et neuf demi-journées. Le praticien est rémunéré proportionnellement à la durée de ses obligations de service, ses droits à l'avancement demeurant inchangés et ses droits à formation étant identiques en leur durée à ceux dont bénéficient les praticiens exerçant à temps complet. Les praticiens exerçant une activité hebdomadaire réduite bénéficient des droits à congés définis aux 1° et 2° de l'article R. 6152-35 au prorata de la quotité de travail accomplie. 

Les intéressés peuvent exercer une activité à l'extérieur de l'établissement dans les conditions définies par l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

S'ils exercent une activité libérale dans l'établissement, ils doivent y renoncer. 

Ils sont admis à reprendre une activité à temps complet sur simple demande, présentée un mois avant l'expiration de leur période d'activité réduite".



Très Bien à vous

Maud Geneste
Avocat 
Conseil, défense et Audit retraite et patrimonial
pour les professionnels de santé
m.geneste@ah-avocats.fr

Source : lequotidiendumedecin.fr