Par Jacques Michel
Résumé des épisodes précédents. Raoul Dunaux, dix-sept ans, rencontre en 2013 une fille dont la beauté est à couper le souffle. En faisant sa connaissance, il apprend qu’elle est atteinte d’Hypertension Artérielle Pulmonaire à un stade avancé. Accessoirement, Raoul a déjà vécu sa vie jusqu’en 2053 où il a été professeur en cardiologie, et où l’HTAP a été vaincue. Contre son gré, il est revenu en 2013 où pour l’HTAP, c’est pas gagné…
Madeleine Rouste (vous savez, c’est elle la beauté à couper le souffle), est agacée par notre échange, elle ne peut pas croire un instant que plus tard je suis cardiologue. Elle est à présent écarlate. Elle se lève et fait quelques pas dans la salle d’attente, sa respiration s’accélère, son état est des plus sérieux et je suis pris de vertige. Pourquoi est-elle née si tôt ? Dans bientôt trente ans, nos nano-modules seront capables d’être implantés dans ses cavités aortiques et pourront jouer le rôle de régulateur de débit intelligent. Plus besoin de se faire greffer des cœurs et des poumons, d’attendre désespérément qu’un motard intrépide veuille bien faire don de ses organes. Je tourne en rond, c’est épouvantable de connaître la solution mais d’être gêné par un petit détail : la nécessité de projeter Madeleine Rouste dans le temps, environ quarante ans pour être sûr de notre coup. C’est incroyable cette histoire, je suis revenu en 2013 depuis un quart d’heure et je n’ai toujours pas compris ce qu’il s’est passé. Comment en mettant les pieds dans une IRM j’ai pu me retrouver projeté dans le temps ? C’est comme devant un film de science-fiction, quand d’un coup on ne comprend plus rien, et qu’on appuie sur le bouton pause pour demander à son voisin « Mais là, y sont dans le passé ou dans le futur ? P’tain j’y comprends rien ».
J’analyse objectivement les étapes. À dix-sept ans, j’étais malade du très bas du ventre, on m’a palpé (peut-être un peu trop ?), on m’a fait l’IRM, on m’a diagnostiqué, j’ai été soigné, j’ai fait mes études de médecine, j’ai eu cinquante-sept ans et j’ai invité Paulette à dîner pour 20h30, juste avant de partir rejoindre Paulette je passe un checkup pour mes assurances et crac, me voilà de retour dans l’IRM de mes dix-sept ans. Donc, si je laisse faire, je vais retourner en médecine, je n’aurais même pas besoin d’apprendre parce que je sais déjà tout… Heu, j’en connais beaucoup trop en fait. Pleins de choses qu’ils ne savent pas. C’est peut-être l’occasion de me lancer dans un autre métier : le rêve, vivre deux vies ou peut-être plus !
Bon, tout ça ne règle pas l’histoire de Madeleine, avec son souffle coupé et sa beauté qui l’est tout autant. Je n’ai rien à perdre et vais lui proposer un tour en IRM avec moi, je l’emmène en 2057, je lui implante un programme de nano-module spécial HTAP et puis on verra… À propos d’IRM, suis-je le seul à faire des allers-retours dans le temps ? Analysons : je suis un garçon, jeune, un peu d’acné, je fume en cachette, ça ne fait pas une population très ciblée tout ça… Je sens des pieds, je joue aux jeux vidéo, je m’ennuie en cours de français… Je vais de temps en temps sur des sites cochons… Le panel reste large.
J’aime bien… Non, J’ADORE les fraises Tagada, je me nourris de fraises Tagada, j’en ai même pilé pour en fumer. Il y a là matière à statistiques, la coïncidence incroyable, ces grandes découvertes que l’on fait par hasard, la pénicilline, le four à micro-ondes, les pommes dauphines : uniquement des gestes improbables, et pourtant ! Attention Mesdames et Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter la plus grande découverte de tous les temps : si vous vous gavez de fraises Tagada avant de passer une IRM, à vous les couloirs du temps. Il me manque juste la précision : une fraise équivaut à un an ? C’est possible, la première fois, j’avais englouti un paquet entier soit… quarante ans. Mais ne perdons pas une minute, sauvons Madeleine.
Elle est toujours assise sur une chaise en plastique dans la salle d’attente, elle fait défiler les pages des magazines avec les spas et les filles à plat ventre écrabouillées sous des galets. Elle lirait le bottin avec autant de passion. Alors je lui demande de bien vouloir m’écouter, je l’emmène à l’écart de nos deux mamans. Il faut que mon discours soit plausible, qu’elle puisse me faire confiance et c’est sûr qu’en lui proposant de gober un paquet de fraises Tagada et de s’allonger avec moi dans l’IRM, tous les ingrédients sont réunis. Alors j’y vais progressivement, je lui décris en détail son tableau clinique, pas un terme ne manque, j’ai un discours professionnel parfait. Il me faut quinze bonnes minutes pour lui faire part de tout, ce qu’elle peut perdre et gagner à me faire confiance. Le plan est échafaudé, je me charge de tout : piquer les clés, les badges, les somnifères, la notice de l’IRM. Rendez-vous fixé à deux heures du matin devant l’hôpital.
Je sors de ma poche les deux paquets de Tagada. Madeleine s’empiffre tout en me regardant d’un air désespéré. On est entrés par effraction dans la salle de l’IRM. Je mets en route tout le bazar, compte tenu du boucan, on dispose de quelques minutes avant d’avoir les agents de la sécurité sur le dos. Nos langues sont rouges, Madeleine s’allonge, je programme l’engin et court m’allonger contre elle. Ce n’est pas vraiment comme ça que j’avais rêvé notre premier contact, il y a le vacarme, la peur de l’inconnu. Je distingue une porte qui s’ouvre derrière la vitre, des silhouettes. Je prends la main de Madeleine, elle est glacée.
Bye Bye 2013.
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