La SNCF a choisi le challenger Loxamed pour déployer progressivement des espaces de télémédecine au sein de ses gares. À horizon 2028, près de 300 gares situées dans des zones de carence médicale pourraient être équipées. Entretien croisé avec Raphaël Poli, DG de SNCF Retail & Connexions et Arnaud Molinié, président de Loxamed.
LE QUOTIDIEN : Vous venez de signer une promesse de convention d’occupation temporaire avec Loxamed portant sur la capacité à déployer des espaces de téléconsultation dans les gares françaises. Quel est l'objectif ?
RAPHAËL POLI : Ces dernières années, nos enquêtes de satisfaction ont montré que les usagers avaient des attentes fortes en matière de santé et qu'ils souhaitaient des services leur permettant de répondre à ces besoins. Il existe déjà des pharmacies et des centres de biologie médicale au sein de nos gares mais nous souhaitons aller plus loin pour répondre au mieux aux souhaits de la population.
Les problématiques d'accès aux soins sont croissantes, le manque de médecins sur le territoire est une réalité. Sans avoir la prétention de fournir une réponse qui soit l'alpha et l'oméga, nous souhaitions apporter notre pierre à l'édifice. L'idée de mettre à disposition de véritables espaces de télémédecine dans des lieux où les gens n'ont pas l'habitude d'avoir accès aux soins nous semble pertinente. Aujourd'hui, 90 % de la population française vit à moins de 10 km d'une gare !
Quelle offre allez-vous proposer au sein de ces espaces de télémédecine ?
ARNAUD MOLINIÉ : Les espaces de santé (à partir de 25 m2, NDLR) progressivement installés dans les gares proposeront aux usagers et aux riverains plusieurs services de santé. En premier lieu, la téléconsultation avec un médecin généraliste de proximité, encadrée de manière systématique par un infirmier diplômé d'état libéral, permettra une prise en charge efficace et qualitative. Des campagnes de prévention (cancer du sein etc.), de vaccination et de dépistage — avec la possibilité de réaliser des prélèvements — seront aussi accessibles. En fonction des besoins locaux, des bilans oculaires et des diagnostics en sport santé seront aussi mis en place. Les horaires d'ouverture seront adaptés en fonction des gares. La prise de rendez-vous s'effectuera sur place et via les plateformes classiques.
Quelles gares ciblez-vous ?
R.P. : Nous ciblons exclusivement les gares situées dans des zones de carence médicale, à savoir toutes celles qui sont répertoriées, selon un arrêté ministériel, en zone d'intervention prioritaire (ZIP) et en zone d'action complémentaire (ZAC). Au total, cela représente 1 735 gares françaises. Maintenant, la priorité va être de co-construire avec les collectivités locales et les acteurs de santé (dont les URPS) pour essayer d'identifier les besoins et sélectionner ensemble des lieux. Ces installations devront s'intégrer dans le cadre de projets régionaux et territoriaux de santé qui sont pilotés par les ARS.
A.M. : Pour l'instant, les retours d'élus sont positifs, nous sentons de bonnes vibrations de leur part. En première analyse, nous pensons pouvoir déployer ces espaces dans environ 300 gares d'ici à 2028. En fonction de ce qu'il sera décidé avec les partenaires publics, ce sera peut-être 150 ou 500 gares.
Avec quels médecins et infirmiers comptez-vous travailler ?
A.M. : Le critère principal est qu'ils soient conventionnés en secteur 1. Nous souhaitons en priorité trouver localement des médecins qui pourraient y consacrer de leur temps. Nous allons notamment passer par les URPS médecins libéraux et infirmiers. Travailler avec les services d'accès aux soins (SAS), les CPTS, les MSP et les collectivités locales nous permettra aussi d'identifier les besoins en téléconsultation au plus près du terrain et de rediriger, au besoin, vers nos centres des patients dont la situation clinique relève de nos capacités de prise en charge.
Derrière tout ça, l'ambition est de proposer une offre qualitative qui permette aux médecins de concentrer leur présence sur du temps médical pur en s’appuyant sur l’infirmier pour les prises de constantes en amont de la téléconsultation. L'intégralité du prix de la consultation sera reversée aux médecins ; contrairement à d’autres modèles existants, nous ne leur prendrons pas un seul centime.
Des activités secondaires, en plus de la télémédecine, sont-elles prévues ?
A.M : Il y aura effectivement des activités secondaires comme la vente de produits de parapharmacie ou de première nécessité (couches, lait infantile etc.). L'idée, encore une fois, est que les usagers puissent trouver ce dont ils ont besoin lorsqu'ils rentrent le soir chez eux. C'est également indispensable pour essayer de rendre ce modèle rentable.
Des « cabines à fric », dénonce l'UFML-Syndicat !
« L’UFML-S dénonce avec la plus grande fermeté l’implantation annoncée de 300 cabines de téléconsultation sur le parvis des gares de différents territoires de France. Une fois de plus, c’est sous le couvert de la résolution des déserts médicaux que la financiarisation étant ses bras de poulpe… C’est un fait constant : on enveloppe, toujours dans le plus beau des papiers, les forfaits les plus dégueulasses », a réagi avec fureur le syndicat dans un communiqué ce week-end.
Qualifiant ces bornes de « cabines à fric », l'organisation du Dr Jérôme Marty a appelé les médecins à ne pas participer « à cette souillure de la médecine ». « Seul l’investissement dans la médecine libérale et la construction concrète d’une amélioration de son attractivité permettra la multiplication des installations des médecins sur tout le territoire, avec la possibilité pour chaque Français de bénéficier du meilleur soin », recadre l'UFML-S.
De son côté, l'Ordre des médecins a exprimé « sa profonde inquiétude » quant au développement d’une telle « activité commerciale ». « Cette évolution de l’offre prend la tournure d’une véritable dérégulation de notre système de santé. Elle consacre de fortes inégalités territoriales d’accès aux soins, avec certains territoires qui seront encore un peu plus considérés comme de second rang, sans compter ceux éloignés de toute gare. Il faut également prendre en compte que cette proposition détournera des professionnels de santé qui seront ainsi moins disponibles pour exercer dans les territoires les plus vulnérables », dénonce l'institution.
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