L'éthique de la donnée de santé est un sujet incontournable, réfléchie bien au-delà des frontières de l'Hexagone et de l'Union européenne. Exemple ici au Québec avec Anne-Sophie Hulin, professeur de droit à l'université de Sherbrooke invitée par Frédéric Worms, directeur de l'Ecole normale supérieure à un colloque* : « En tant que juristes, nous ne pouvons pas nous passer de l'éthique pour les données de santé.» Le Québec est dans la même situation que la France, avec une mutualisation sectorielle des données. Contrairement à la France et son modèle très centralisé, ce pays a des schémas plus éclectiques construit sur des initiatives universitaires et hospitalières, avec une tendance récente fixée sur des démarches gouvernementales dans la mise en œuvre de plateformes de données de santé. Ce changement est dû « à une réforme très récente du droit des renseignements personnels de la santé ayant pour objectif de créer une très forte synergie entre les données de santé et leur exploitation ».
Santé durable
Ainsi, l'université de Sherbrooke développe la plateforme PARS3 qui vise à soutenir l'émergence des systèmes de santé apprenants. L'université de Laval travaille sur la plateforme PULSAR qui vise à la création d'une banque de données dont l'objectif est de soutenir la connaissance en santé durable (elle collige des données de santé, environnementales et socio-économiques). Le CHU de Montréal construit CITADEL, une autre plateforme qui gère un lac de données cliniques et administratives. Récemment un centre d'accès de données découlant d'une initiative gouvernementale et géré par l'Institut des statistiques de Québec a été implanté en milieu hospitalier au CHU de Sainte Justine (l'équivalent de l'hôpital Necker) : il vise à chercher les facteurs de risque et de protection liés au développement de l'enfant (ergothérapie, psychoéducation, thérapie).
Quant à la mise en œuvre, « Portabilité, interopérabilité, sécurité sont des éléments déterminants pour les droits numériques des patients », commente l'experte. La mise en œuvre des données de santé est au cœur d'une tension entre la protection des personnes et l'exploitation numérique. Ce phénomène provient de la nature résolument hybride de la donnée de santé (composantes individuelle, collective à la fois). Selon elle, il est important d'évaluer cette tension déterminante pour définir le cadre de gouvernance des professionnels de santé et identifier l'équilibre entre la vie privée et l'intérêt public. Autre élément significatif, la confiance. Elle ne se décrète pas, mais se construit « au moyen d'action transparent, de mécanismes assurant la responsabilisation, mais aussi de dispositifs assurant une valorisation des données dans une perspective d'intérêt public », selon l'équivalent du CCNE québécois. L'acceptabilité sociale est une autre condition impérative. Cette thématique depuis 2022 a déjà été traitée dans cinq publications relatives à l'utilisation secondaire des données de santé. Ce dernier critère correspond à un vrai changement de paradigme dans la gouvernance des données, indique l'experte, passant d'une approche traditionnelle de compliance à une approche plus relationnelle où on va chercher un très haut niveau de responsabilité, d'imputabilité, de gestionnaire des données et aussi une transparence plus inclusive des données du point de vue des individus.
* « Regards croisés sur les plateformes de données de santé : quels enjeux éthiques et sociétaux ? », le 5 juin rue d'Ulm à Paris.
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