Faut-il favoriser la téléconsultation ? Diligentée par l’économiste Pierre Bentata, l’étude de l’Institut économique Molinari, think tank d’inspiration libéral, publiée le 18 janvier, montre qu’un cadre réglementaire assoupli – avec notamment la levée de la limite de 20 % d’actes à distance pour un médecin conventionné – permettrait de faire des économies. À la fois pour les patients et l’Assurance maladie.
L’épidémie de Covid-19 a permis une plus grande utilisation de la télémédecine : passant de 40 000 téléconsultations par mois en février 2020 à 4,5 millions en avril de la même année. À cette période, trois quarts des généralistes l’ont pratiquée, alors qu’avant la pandémie, ils étaient moins de 5 %. Mais aujourd’hui, la téléconsultation stagne autour de 5 % de la valeur des consultations traditionnelles des libéraux.
Au cours de la dernière décennie, « plus de 8 500 études évaluant l’impact de la télémédecine ont été publiées, faisant l’objet de 103 revues systématiques et méta-analyses », détaillent les auteurs du rapport. L’enjeu est donc le suivant : réaliser d’importantes économies sans nuire à la qualité des soins. Car le recours aux technologies (téléconsultation, téléexpertise) « pourrait réduire les visites inutiles, désengorger les services d’urgence, limiter les dépenses de déplacement des patients et améliorer l’orientation des patients à travers leur parcours de soins », notent-ils.
Le rôle clef du généraliste
Ainsi, le médecin généraliste se trouverait au centre du système : « d’un côté, il peut proposer des téléconsultations à ses patients, lorsque ces derniers éprouvent des difficultés à se déplacer ou préfèrent le confort et la confidentialité de leur domicile. De l’autre, il peut directement solliciter l’avis de spécialistes avec la téléexpertise pour estimer la nécessité d’envoyer son patient vers un spécialiste et déterminer quel type de consultation est préférable, face à face ou téléconsultation. »
Ceci participant, selon l’étude, « à la rationalisation du parcours de soins ». Et l’un ne va pas sans l’autre : « c’est parce que le généraliste peut recourir à la téléexpertise qu’il est en mesure d’orienter le patient vers la téléconsultation ; et c’est notamment parce que la téléconsultation se développe que la téléexpertise gagne en utilité du point de vue des spécialistes. »
Comment, donc, arriver à plus d’un milliard d’économie – soit 290 millions d’euros pour les patients et minimum 750 millions d’euros par an pour l’Assurance maladie ?
10 % des consultations pourraient avoir lieu à distance
Le postulat de départ est que 10 % des consultations actuelles pourraient être effectuées efficacement en téléconsultation. Deux tiers de ces consultations seraient les généralistes et le reste l’ensemble des spécialistes. En moyenne, « un Français doit parcourir 2,45 kilomètres pour se rendre dans la pharmacie la plus proche, 3,8 kilomètres de plus pour se rendre chez le généraliste le plus proche et 17,4 kilomètres (à partir de la pharmacie la plus proche, ndlr) pour se rendre chez le spécialiste le plus proche ».
En 2019, 391 millions de consultations ont été effectuées, toutes spécialités confondues. En supposant que 39,1 millions auraient pu être suivies en téléconsultation et que la répartition des modes de déplacements aurait été identique à celles observées par l’Insee, une économie de 325 millions d’euros aurait été générée, si elles avaient eu lieu au domicile des patients et 261 millions d’euros si les téléconsultations avaient eu lieu en pharmacies. L’étude a retenu la moyenne de ces deux chiffres, soit 293 millions d’euros.
Réduire les coûts de l’hôpital
L’autre point important du rapport est l’économie générée dans les services d’urgences. La Cour des comptes estime qu’il y aurait 21 millions de visites annuelles aux urgences. Le coût moyen d’une consultation simple aux urgences, de jour et hors week-end et jours fériés, s’élève à 115 euros – soit 2,4 milliards en dépense totale. Une mise en place d’un système de téléconsultation pré-hospitalière pour filtrer les patients réduirait les visites de 6,7 %. Si l’on ajoute à cela la réduction des transferts de patients suite à un acte de téléradiologie, l’économie serait d’au moins 284 millions d’euros, soit une réduction des dépenses d’Assurance maladie pour les visites d’urgence de 9 %.
La réduction des dépenses relatives aux consultations de généralistes et de réorientation vers les spécialistes. En utilisant la téléexpertise, 467 millions d’euros seraient économisés par l’Assurance maladie.
Moins de consultations chez les spécialistes
Une réduction des consultations de spécialistes en dermatologie, ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie permettrait elle 47 millions d’euros d’économies, toujours grâce à la téléexpertise.
La réduction des dépenses en cardiologie ferait économiser 50 millions d’euros, avec une orientation des patients vers une téléconsultation plutôt qu’une consultation en face-à-face avec un cardiologue.
Le rapport préconise également la substitution des consultations de spécialistes par des téléconsultations en endocrinologie et gastroentérologie : 160 millions d’euros d’économies.
Par ailleurs, tous les calculs ont été faits à partir de l’axiome suivant : seuls les actes les plus simples et seuls les actes ponctuels pouvaient faire l’objet d’une téléconsultation. « Or, aucune étude ne laisse penser que la téléconsultation serait inefficace dans le cas d’un suivi nécessitant plusieurs consultations. Et cela, d’autant plus qu’une généralisation de la téléexpertise permettrait de cibler l’ensemble des cas pour lesquels la téléconsultation est efficace. De même, comme le démontre l’étude sur le réseau interhospitalier de Franche-Comté, des actes d’une grande complexité peuvent être effectués en téléconsultation », précisent les auteurs.
Ces derniers ajoutent que la dépense actuelle de santé en France s’élève à 11,3 % du PIB, contre 9,9 % en moyenne dans les pays de l’UE. « Un plus grand recours à la téléconsultation pourrait faire partie des solutions pour ramener à la France vers la moyenne européenne. »
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