Le flou juridique autour des centres de soins non programmés fait l’objet de toutes les attentions du Sénat. Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, la chambre haute a voté vendredi 22 novembre, avec le soutien de la commission des affaires sociales et de la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, un encadrement de ces structures n’ayant pas de statut juridique, non soumises à autorisation et qui fleurissent dans l’Hexagone ces dernières années.
À la tribune, Geneviève Darrieussecq a défendu leur intérêt : « Nous avons besoin de ces structures et elles se développent de façon pertinente dans certains territoires qui ont des difficultés d’accès aux soins non programmés et permettent de désengorger les urgences ». Si l’allergologue a également reconnu, comme l’Assurance-maladie, « des déploiements importants et pas justifiés sur le plan de la couverture du territoire et sans règle », l’objectif du gouvernement est bien, a-t-elle précisé, de « mettre un cadre et qu’il ne soit pas trop rigide, pour permettre d’accueillir des personnes qui en ont besoin ».
Les Sisa intégrées dans la définition
Après des premiers jalons posés par les députés, les sénateurs ont arrêté la définition des structures de soins non programmés : « tout centre de santé, cabinet médical ou maison de santé, éventuellement constitué sous la forme d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires » (Sisa), qui pratique « des soins de premier recours et ayant, à titre principal, une activité de soins non programmés ». Cette activité est « définie à partir du rapport entre le nombre d’assurés ayant déclaré les médecins y exerçant comme médecin traitant » et « le nombre d’assurés que ces médecins prennent en charge ». « Il demeurera loisible au Gouvernement de préciser, dans le décret d'application prévu, le ratio […] pour qualifier un cabinet ou un centre de santé de structure de soins non programmés », lit-on.
Le ministère de la Santé est également chargé de publier un arrêté pour fixer « un cahier des charges relatif aux principes d’organisation et aux caractéristiques de leur exercice, à l’accessibilité de leurs locaux, à leurs services, aux délais de prise en charge, à l’orientation des patients dans le parcours de soins et aux prestations minimales attendues ».
Contrecarrer la fuite des urgentistes
Du côté des professionnels de santé libéraux exerçant dans ces structures, le terrain avait été balisé en amont par l’Assemblée sur proposition du gouvernement, puisqu’ils devront déclarer cette activité à la CPAM et à l’ARS locales. Mais le Sénat a ajouté une clause de taille : les médecins pourraient être « tenus de participer au service d’accès aux soins » et à « la permanence des soins ambulatoires », dans des conditions à fixer par décret. Ce qui risque de faire quelques mécontents, les médecins libéraux exerçant dans ces centres ayant justement pour la plupart choisi cette voie pour éviter les désagréments qui vont avec la médecine pratiquée dans les services d’urgences traditionnels.
Selon la rapporteure de la branche maladie du PLFSS, Corinne Imbert (app. LR qui a porté tous les amendements sur ce sujet), cette disposition est justement « un point important pour contrecarrer l’hémorragie que nous constatons de médecins urgentistes qui quittent les services d’urgences pour ces centres de soins non programmés ». C’est aussi une réponse à un problème récemment soulevé par le patron de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi.
Les centres de soins non programmés n’ayant pas l’obligation de faire remonter stricto sensu leur activité aux autorités sanitaires, en faire un décompte exact n’est pas évident. Selon un récent rapport de la Cour des comptes sur l’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital, ces structures sont passées « de moins d’une vingtaine d’établissements en 2018 à plus d’une centaine en 2023 », dont 93 sur l’ensemble du territoire, recensés par l’observatoire régional des urgences d’Occitanie en 2022. La Fédération française des centres de soins non programmés (FFCSNP) en dénombre « plus de 60 » en France, dans sa carte interactive en ligne.
Pas de procédure d’agrément préalable
Les sénateurs de gauche, Bernard Jomier (app. socialiste) et Anne Souyris (Les Écologistes) en tête, ont tenté de faire adopter des articles additionnels pour soumettre les structures de soins non programmés à une procédure d’agrément préalable de l’agence régionale de santé (ARS), comme c’est déjà le cas pour les centres de santé depuis la loi Khattabi de mai 2023. Un amendement tiré des recommandations du rapport de la commission des affaires sociales sur la financiarisation de l’offre de soins, dont le Dr Jomier était l’un des rapporteurs.
En vain, puisque la rapporteure de la branche maladie et la ministre de la Santé ont donné des avis défavorables. Cette dernière s’est justifiée en expliquant qu’il « faut déjà mettre en œuvre et évaluer » l’encadrement de ces structures voté quelques minutes auparavant, insistant sur le fait de ne pas « rigidifier les choses ».
Vers un 49.3 pour le budget Sécu ?
Prochaine étape dans la navette parlementaire : un vote solennel sur l’ensemble du projet de loi du gouvernement mardi 25 novembre, avant une commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et autant de sénateurs, prévue pour le lendemain. Si un accord est trouvé, le gouvernement soumettra le texte au vote de l’Assemblée nationale et du Sénat pour une adoption définitive. Ce qui est loin d’être acquis.
Si cette CMP n’était en revanche pas conclusive, une nouvelle lecture serait à l’ordre du jour sur la base du texte voté des sénateurs (avec possibilité donnée au gouvernement d’amender le texte transmis en deuxième lecture aux députés). En l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, le premier ministre Michel Barnier a toutes les chances de dégainer son premier 49.3. Et d’entraîner dans la foulée une motion de censure.
Dans un cas comme dans l’autre, le texte budgétaire devra être promulgué avant le 31 décembre.
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