Que conseillez-vous à des généralistes désireux d’adopter une pratique plus verte ?
Dr Alice Baras : Tout d’abord, il est important de rappeler que la priorité reste évidemment d’assurer la qualité et la sécurité des soins. Ensuite, viser le 0 impact est impossible. Chaque cabinet est différent, il est donc nécessaire d’adapter cette démarche aux contextes et particularités des lieux. Accumuler de multiples petits gestes n’est pas non plus la solution car le praticien risque de s’épuiser et abandonner. En fait, la démarche doit être considérée de manière globale et systémique. Le praticien va sentir les choses trouver du sens à la démarche notamment en observant le fait que l’environnement est un déterminant majeur de la santé, en observant aussi que la maîtrise des risques écologiques via l’évolution de ses pratiques entraîne des co-bénéfices sanitaires, sociaux et économiques. L’idéal est que le praticien réfléchisse à la thématique qui lui tient le plus à cœur pour que, dès le début, cela lui paraisse logique et approprié et que cela s’inscrive dans une démarche construite et respectueuse de ses valeurs. Dans un premier temps, les efforts peuvent être portés sur les économies d’énergie, la réduction des produits chimiques utilisés ou encore la réduction des déchets. En général, le tableau de bord avec des objectifs fixés à trois, six ou douze mois fonctionne bien. Si le médecin remplit ses objectifs, c’est pour lui très motivant. Dans ce cas, il ne faut pas qu’il hésite à fêter cette réussite et continuer sur cette lancée. Dans un quotidien déjà très contraint, il est primordial d’adopter une approche positive.
Y a-t-il des fausses bonnes idées à éviter ?
Dr A. B. : En effet, la tentation du solutionnisme, qui va être de régler tout par le numérique, en est une. Aujourd'hui, on parle beaucoup de dématérialisation mais cela ne veut pas dire 0 impact, loin de là… La pollution liée au numérique est aujourd'hui considérable. Promouvoir le 0 papier est donc une aberration écologique car nous sommes déjà aux limites des ressources accessibles. Finalement, ce qu'il faut, c'est savoir arbitrer. Identifier ce qui est vraiment utile et ce qui ne l'est pas. Évidemment, il ne faut pas être dans l'extrême. L'idée n'est pas de faire marche arrière et revenir à des dossiers papier pour tous ses patients. Pour le numérique, ce qui pèse le plus lourd sur le plan environnemental dans un cabinet va être a priori l'équipement et les terminaux. Donc finalement trier ses mails est une bonne chose mais le plus important va être de garder son équipement le plus longtemps possible en respectant au mieux ses conditions d'utilisation. Éteindre son équipement le soir va aussi de soi. Il faut également avoir en tête que le stockage et le transfert des données pèsent très lourd en termes d'émissions de GES.
Sur quels postes les médecins peuvent-ils avoir un impact ?
Dr A. B. : Chaque effort n’a pas le même impact. La production de déchets est souvent le déclic, la partie émergée de l’iceberg. Ce qui nous pousse à dire que ce n’est plus possible. Ce point est évidemment très important. Mais si l’on décide de trier ses déchets et qu’à côté, on prend l’avion quatre fois par an pour des vacances à l’autre bout de la planète, la démarche n’est pas significative. Donc il faut arbitrer. L’écoprescription, toujours en assurant la qualité et la sécurité des soins, est une piste très prometteuse. Cela veut dire prescrire moins et mieux, pour maîtriser notamment la pollution de l’eau. S'inscrire dans une démarche d'achat responsable sur les produits de santé tels que les dispositifs médicaux, les cosmétiques et les médicaments est également impactant. Les médecins ont un rôle majeur à jouer également dans la prévention primaire et la promotion de la santé, encore trop peu soutenues en France. Au-delà de tous ces écogestes, ils peuvent aussi agir sur le bâti car c’est l’un des postes qui pèse le plus lourd sur le plan environnemental. Concrètement, il peut être intéressant de réfléchir à la façon d’occuper son cabinet. S'il est doté d'une très grande surface cela peut être par exemple vite rentable écologiquement de partager des locaux. Réaliser un audit énergétique pour identifier les points faibles de son bâtiment, et ensuite réfléchir à une rénovation des menuiseries ou une isolation par le toit, est une solution pérenne pour réduire son impact.
Adopter une pratique plus verte coûte-t-il plus cher ?
Dr A. B. : Non. D’ailleurs, c’est plutôt le contraire puisque qui dit démarche de sobriété dit aussi avantage économique. Adopter une pratique écoresponsable, c’est consommer moins, donc c’est forcément s’y retrouver économiquement. D’ailleurs, en ce qui concerne la rénovation des bâtiments, les médecins peuvent bénéficier d’aides gouvernementales pour financer leur projet.
Guide du cabinet de santé écoresponsable, Presses de l’EHESP, 348 pages, 39 euros
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