Madame le Ministre,
Ce courrier vous est destiné, Madame le Ministre, car je vous pense honnête, soucieuse de travailler vos dossiers et de défendre la Médecine, ou du moins l’idée que vous en avez. Vous n’y parviendrez, Madame, qu’au prix de deux modifications essentielles.
Vous vous rendez à l’Hôpital de La Pitié pour constater la décrépitude des lieux et vous insurgez contre les conséquences de l’action des Gilets Jaunes. Vous vous trompez, Madame, la décrépitude des lieux tient à l’impéritie des ministres de la Santé successifs, qui n’ont en rien évité la rapide descente aux enfers d’un système de santé qui était, quand j’étais jeune interne, le meilleur système de santé du monde.
Que vous manque-t-il pour rénover le système ? Les deux choses qui permettraient de sauver notre système de soins : la totale maîtrise du budget Santé et une vision plus libérale de la médecine.
Un budget digne de ce nom
Un exemple est nécessaire pour illustrer le propos : la DSS (=Direction de la Sécurité Sociale) vient de décider de fixer à 11,20 € le tarif de location hebdomadaire du lit médicales contre 13,20 € auparavant. Cette décision, faisant suite à une précédente diminution de tarif il y a six mois, fait craindre des difficultés, autant chez les prestataires que chez les fabricants de matériel. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les soins à domicile doivent être développés. Les professionnels du secteur ont été reçus par le cabinet du Ministre, qui reconnaît le bien-fondé de la demande… mais la DSS annule cette mansuétude. En d'autres termes, le budget Santé est tenu par Bercy et lie les poings du Ministre de la Santé.
Le déficit permanent depuis 1988 est lié, pour l’essentiel, à des problèmes de gestion et d’organisation. La clé du redressement financier de l’assurance maladie réside dans la capacité de gestion de notre système de Santé par son Ministère.
Les quatre branches de la sécurité sociale n’ont pas la même problématique. L'assurance vieillesse est pratiquement équilibrée. La branche famille, qui était équilibrée, est victime depuis quelques années de la manipulation de ses recettes. La branche AT-MP (accident du travail-maladie professionnelle) est une spécificité française. L’assurance maladie est la branche sur laquelle doivent porter les réformes structurelles.
Il faut renvoyer le pôle famille à son ministère de tutelle ; et que le ministère de la Santé gère les pôles personnes âgées-handicap-dépendance et Santé (maladie et accident du travail). Il se concentrerait alors sur son cœur de métier, en en assurant la gestion ; ce qui, en outre, interdirait les ponctions dans telle ou telle branche pour financer autre chose (cf handicap).
Une vision plus libérale de la médecine
L’hospitalo-centrisme qui s’est construit depuis des années sclérose notre système de soins, qu’il faut décloisonner, pour réorganiser notre système de santé.
Organiser les parcours de soins du malade chronique, suppose une coordination entre MG, Ville, Hôpital et structures médico-sociales qui ne peut être définie qu'avec les professionnels de santé. Il est nécessaire de redonner à la médecine de ville ses lettres de noblesse et aux médecins l’envie de soigner, que les réformes technocratiques successives leur ont fait perdre.
Il convient aussi de désengorger les urgences hospitalières de la bobologie et des urgences médico-sociales et de combattre la sous-densité médicale.
Les seules maisons de santé pluri professionnelles qui fonctionnent sont celles qui ont été réfléchies et organisées par les professionnels de santé. Aucune mesure coercitive dans ce domaine ne fonctionnera.
Les mesures utiles, qui font consensus, ne peuvent être appliquées que si votre ministère a les moyens financiers de sa politique. Actuellement, il est toujours mis la charrue avant les bœufs : diminuer drastiquement le nombre de lits hospitaliers par la promotion de la chirurgie ambulatoire risque d'aboutir à une catastrophe sanitaire, dès lors que la prise en charge à domicile n'est pas organisée. Or la seule dynamique qui prévaut actuellement est celle de l'économie, au détriment de la sécurité. Là encore, le problème serait réglé différemment si votre ministère disposait de son budget propre.
Battez-vous, madame le Ministre, pour obtenir les moyens de votre politique et sortez de votre hospitalocentrisme ! C'est alors que vous pourriez construire avec les professionnels de santé, pour le bien du patient, le système de santé du XXIe siècle, soucieux de préserver la qualité des soins et son égalité d’accès, solidaire et efficace, innovant et généreux.
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