Jeudi 25 juillet, 10 heures du matin, Paris, avenue de la porte de La Villette, au nord de la capitale. À la veille de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, l’antenne historique mobile de Médecins sans frontières (MSF) s’affaire à monter ses trois salles de consultation hebdomadaires. Deux tentes de toile blanche, couvertes sur les côtés, qui garantissent la confidentialité des échanges. Et l’arrière d’une camionnette volante blanche, qui sert de cabinet médical pour les personnes migrantes et à la rue. En vingt minutes, l’équipe de l’ONG est opérationnelle.
« Comme tous les jeudis, de 10 heures 30 à 15 heures 30, qu’il neige, pleuve ou vente », indique Ricardo Fernández Sánchez, coordinateur du projet Île-de-France de MSF à destination des populations précaires. Âgé de 40 ans, le kiné-ostéopathe de formation est en charge plus spécifiquement des jeunes et des mineurs non accompagnés. Et reconnaît que l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques par la France a plus que bouleversé l’accès aux soins de ces derniers, originaires majoritairement d’Afrique de l’Ouest, de la République du Congo ou encore d’Afghanistan.
« Nettoyage social »
Une situation récemment dénoncée par le collectif « Le revers de la médaille », qui, dans un rapport publié fin juin, n’hésite pas à parler de « nettoyage social ». Définition et chiffres à l’appui. « Par “nettoyage social”, nous entendons le fait de harceler, d'expulser et d'invisibiliser les populations catégorisées par les pouvoirs publics comme indésirables des lieux où se tiendront les JO », en l’occurrence les individus à la rue, en habitats précaires ou dépendant de l’espace public pour vivre et travailler, précise le collectif.
À l’arrivée, durant la période 2023-2024, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels a recensé 138 expulsions en Île-de-France, parmi lesquelles 64 expulsions de bidonvilles, 34 expulsions de regroupements de tentes (exclusivement sur Paris et Aubervilliers), 33 expulsions de squats, ainsi que 7 expulsions de personnes voyageuses. Dans ce contexte, 3 000 places d'hôtel social ont été supprimées en 2023 en Île-de-France, dont la moitié en Seine-Saint-Denis, tandis que seulement 300 places supplémentaires au 115 sont annoncées comme « héritage social », détaille « Le Revers de la médaille ». Précision utile, « sur ces 300 places destinées exclusivement aux personnes isolées en situation de rue installées dans les périmètres JO, seulement 73 places sont à ce jour occupées », poursuit le collectif soutenu par l’ONG Médecins du monde.
Effet délétère
Cet effet délétère des Jeux olympiques sur les personnes les plus vulnérables est une réalité, diagnostique en substance Ricardo Fernández Sánchez. C’est aussi ce qu’a constaté de visu le collectif Utopia 56 Paris, qui vient en aide aux personnes exilées à la rue. Mais le coordonnateur de MSF préfère regarder le verre à moitié plein. « Il faut distinguer deux choses. L’évacuation pure et simple de ces populations », qui laisse les gens abandonnés à eux-mêmes. Et « la procédure de mise à abri ». Qui, elle, est déclenchée en amont des déplacements et permet aux associations et aux ONG médicales de rester plus facilement au contact de ces personnes et d’enclencher aussi l’ouverture de droits sociaux. Un argument plus humain qui n’a pas échappé à la préfecture de police de Paris. Celle-ci, par voie de communiqué, soulignait ce jeudi 26 juillet, avoir procédé à une opération de mise à l’abri pour des personnes en demande d’hébergement « s’étant installées sur le parvis de la mairie du 18e arrondissement ». « Ce sont ainsi 339 personnes en famille et cinq hommes isolés qui ont été pris en charge et orientés vers des hébergements d’urgence franciliens. Elles pourront bénéficier avec leur accord d’une évaluation de leur situation administrative et d’un accompagnement social et sanitaire », insiste la préfecture.
Des somnifères pour pouvoir (enfin) dormir
Tout le monde n’est cependant pas traité à la même enseigne. « L’effet JO sur les gens qui dorment à la rue a de sérieuses conséquences pour beaucoup », témoigne la Dr Sandra Petiot, médecin bénévole à MSF depuis deux ans qui prend le temps de nous répondre entre deux consultations à l’antenne mobile de La Villette. L’anesthésiste-réa de 40 ans en veut pour preuve les récentes demandes de ses patients. Sur les 30 à 40 consultations quotidiennes du jeudi, « ils sont entre cinq à dix à nous demander désormais des somnifères. Simplement pour pouvoir dormir un peu ». Le résultat des actions régulières de la police qui les déloge tout le temps, d’un endroit à l’autre afin, semble-t-il, de les maintenir éloignés des sites des JO. Cette fois, sans autre forme de cérémonie.
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