Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a identifié lundi « au moins 10 milliards d'euros d'économies » pour redresser les finances publiques, notamment dans le secteur de la santé, où il veut lutter contre l'explosion des arrêts maladie et « les dérives » des dépenses en médicaments.
Après l’annonce du transfert de 500 millions de frais dentaires de la Sécurité sociale vers les complémentaires santé, la recherche de sources d’économies ne s’arrête pas là. Lors de l'ouverture des assises des finances publiques à Bercy, Bruno Le Maire a présenté les différents chantiers pour trouver entre 10 et 15 milliards d’euros d’économies pour le budget 2024. Parmi ces chantiers, celui de « la responsabilisation des acteurs en matière de dépense de soins ».
S’il vise notamment l’envolée des dépenses d’arrêt maladie, le ministre de l’Économie a aussi pointé du doigt les frais de santé et « la gratuité ou la quasi-gratuité qui peuvent conduire à déresponsabiliser le patient ». L’exécutif veut notamment augmenter le reste à charge sur le prix du médicament.
Lors de leurs conférences de presse respectives, les partis d’opposition LFI et PS ont tous deux dénoncé ces annonces. « Bruno Le Maire a annoncé de nouveau une énième brutalité et maltraitance sociale de notre pays, a fustigé la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot. La question des arrêts maladie (...) c'est de nouveau la fraude sociale qu'on essaierait de nous vendre pour mieux cacher la fraude fiscale notamment. C'est inacceptable. »
La porte-parole du groupe socialiste Christine Pires Beaune a de son côté trouvé « particulièrement déplorable que l'on mette en avant une minorité de médecins » qui signeraient des arrêts de travail abusifs. « Quand on a des arrêts de travail qui explosent, comme c'est le cas notamment depuis le Covid, il faut s'interroger. J'aimerais qu'on ait une analyse des arrêts de travail », a-t-elle déploré.
Lettre ouverte de MG France
Dans une lettre ouverte à la population, le syndicat MG France a également critiqué le désinvestissement progressif de l’Assurance Maladie et le recul de l’État dans le champ de la santé.
Sur l’augmentation du nombre d'indemnités journalières, MG France tient à mettre les points sur les i.
« Commençons par exprimer ce que les médecins traitants voient au quotidien dans leurs cabinets : les gens ne vont pas bien en ce moment. La part des pathologies psychiques a augmenté considérablement, au point que l’UNCAM commentait la lettre de cadrage de la convention médicale en rappelant la part croissante des consultations pour souffrance psychique en médecine générale. Les troubles musculosquelettiques liés aux emplois physiques rendent le maintien dans l’emploi souvent difficile à partir de 55 ans, alors que dans le même temps, le nombre de trimestres nécessaires pour toucher une retraite suffisante pour vivre s’est accru. Sans parler de ces patients en attente pendant de longs mois d’un traitement chirurgical ou de rééducation faute de place ou de rendez-vous. Il ne s’agit en aucun cas d’arrêts de complaisance ni d’absentéisme. »
Le premier syndicat représentatif des généralistes condamne aussi le rôle des plateformes de téléconsultations dans l’augmentation de ces arrêts maladie.
Dans ce contexte, MG France dénonce « l’intimidation des professionnels de santé ». « Que l’on ne s’y méprenne pas, si seuls 2 % des médecins seront in fine sanctionnés, contrôler 30 % des médecins aura évidemment un effet sur les comportements de prescription d’IJ. Excepté les 2 % de comportements jugés déviants, les 28 % des professionnels contrôlés auront une tendance, consciemment ou non, à prescrire moins d’arrêts de travail, y compris lorsqu’ils sont indiqués. »
Vers un modèle à l'américaine
Sur l’annonce de Bruno Lemaire de vouloir lutter contre les dépenses excessives, la présidente de la formation le Dr Agnès Gianotti s’interroge, « est-il le mieux placé pour juger du caractère excessif de ces dépenses et quelles études lui permettent de l'affirmer ? ». En choisissant de faire des médecins les boucs émissaires, la généraliste accuse aussi les politiques de gommer leur responsabilité et leur manque d’anticipation.
« Ce désinvestissement de l’État pèsera sur les personnes devant être temporairement écartées de leur travail pour raison de santé, ou devant faire soigner leurs dents, ou prendre un traitement au long cours », souligne-t-elle. « L’État a fait le choix de rogner sur ces dépenses ; qui peut oser dire que ces dépenses sont excessives quand on connaît le renoncement aux soins dans ce domaine ! N’est-ce pas faire peser sur les plus pauvres l’effort financier ? ».
La présidente de MG France craint une dérive vers un modèle à l’américain « à chacun selon ses moyens ».
(Avec AFP)
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