« On élude, on repousse, on ne change rien ou de façon cosmétique, déplore Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). On fait semblant de réformer en déshabillant Pierre pour habiller Paul mais sans régler les vrais problèmes. Bref, c’est un PLFSS pour rien. Encore une occasion manquée par le Gouvernement d’actionner des leviers de réforme qui favorisent la qualité des soins et l’efficience médico-économique d’un système de santé englué dans une culture des déficits. » À l’occasion, début octobre, de la présentation du PLFSS 2016, le représentant des cliniques privées a une nouvelle fois reproché aux pouvoirs publics de faire le jeu de l’hôpital public au détriment du secteur privé. Et de réclamer de nouveau le retour de la convergence tarifaire et la fin des artifices pour arrêter de masquer la poursuite d’une politique favorisant le secteur public. Le jeu est connu et la scène se rejoue chaque année. À tel point qu’à force d’entendre – PLFSS après PLFSS, circulaire tarifaire après circulaire tarifaire – que les cliniques sont proches de l’asphyxie, on se demande comment elles peuvent encore exister.
Le temps des mégafusions
Jean-Christophe Briant, directeur d’études aux pôles santé et seniors de Xerfi-Precepta, donne plutôt raison à la FHP : « Il est très étonnant de constater qu’à force de vouloir sauver l’hôpital public, on en oublie les cliniques. Les pouvoirs publics ne devraient pourtant pas les négliger car, aujourd’hui, ce sont les acteurs du privé qui font la recomposition hospitalière. C’est le secteur privé commercial et non l’hôpital public qui a divisé par deux son nombre d’établissements. Personne n’est dupe, le public sera obligé de le faire aussi. »
Cette restructuration à pas forcés débouche-telle sur une nouvelle dynamique où ne fait-elle que retarder une fin programmée ? « Aujourd’hui, analyse Jean-Christophe Briant, il n’y a presque plus de fusion de groupes régionaux. Mais nous sommes en présence de mégafusions entre groupes nationaux, à l’image de la reprise de la Générale de Santé par l’Australien Ramsay. Globalement, nous sommes en train de rentrer dans une phase encore plus mature du marché, en particulier en MCO. » Benoît Péricard, directeur national santé du cabinet KPMG, confirme qu’« après l’euphorie des années 2000, il y a eu un coup d’arrêt en 2008 ». « Aujourd’hui, poursuit-il, les projets qui se montent se font dans une logique différente, dans une logique de plus long terme. » En cela, la déconvenue du fonds d’investissement Blackstone avec le projet Vitalia a servi de leçon. « Il avait prévu de ressortir au bout de trois à cinq ans. Il est finalement sorti douze ans après en revendant Vitalia au groupe Vedici à un prix inférieur à son investissement. » Bref, il n’y a plus de coups à faire même s’il n’est pas encore question de déserter le marché français. L’heure est aux stratégies industrielles de plus long terme et moins aux logiques financières de court terme.
La nécessité d’être fort dans les territoires
Derrière ce changement d’approche des investisseurs, plusieurs constats émergent. Le premier est celui de la nécessité de grossir. « Le seul moyen de créer de la marge aujourd’hui est de constituer des cliniques qui se rapprochent de plus en plus du modèle d’hôpital privé dont la Générale de santé a été le premier à inventer le modèle », explique Jean-Christophe Briant. En effet, le niveau des tarifs et leur instabilité ne permettent pas aux cliniques trop spécialisées de survivre. « Nous allons vers une logique industrielle qui induit des établissements plus gros, pouvant compter sur des synergies et des pôles d’excellence », assure Jean-Christophe Briant.
Autre constat, la bonne santé d’un groupe privé passe par sa capacité à instaurer un véritable rapport (de force ?) avec les agences régionales de santé. Il vaut mieux être concentré et puissant sur une région, que gros mais dispersé sur tout le territoire national, sans véritable poids dans chaque région. « Je pense que le futur de la clinique privée, c’est son institutionnalisation, analyse Jean-Christophe Briant. La capacité des opérateurs à peser sur les autorités de tutelle des territoires pertinents va beaucoup compter demain, encore plus avec la constitution des nouvelles grandes régions. » Les retraits d’autorisation de cliniques privées en bonne santé financière qui ont été recensés ces dernières années témoignent de l’importance grandissante des relations avec les ARS. Mais c’est un jeu dangereux qui crée de l’instabilité plus sûrement qu’une baisse des tarifs.
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