C'est la bretonne Annie Le Houerou, députée PS des Côtes d'Armor, qui a relancé le débat. Rapporteure du PLFSS pour l'Assurance vieillesse, elle a présenté mercredi en commission une mesure visant à lutter contre les déserts médicaux en dissuadant les médecins libéraux de s'installer dans une zone où exercent déjà de nombreux médecins à moins qu'un autre s'en aille... L'amendement prévoit que, "dans les zones (...) dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d'offre de soins, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d'activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone".
Cette disposition, qui reprend le dispositif en vigeur depuis quelques années pour les infirmières a été adoptée par la Commission des Affaires sociales. Pour passer, il faudra encore qu'il soit votée dans l'hémicycle la semaine prochaine. Ce qui parait peu probable. D'abord parce que l'entourage de Marisol Touraine a aussitôt fait savoir que le gouvernement -qui n’était pas représenté lors de l’examen en commission du projet de budget de la Sécurité sociale- y est "fermement opposé".
Ensuite, parce que de nombreux parlementaires hésitent à s'engager dans cette voie. L'amendement a été longuement débattu en commission, des députés de droite comme de gauche, souvent eux-mêmes médecins, assurant partager le diagnostic de la députée, mais y voyant une "remise en cause de cette liberté d'installation". Plusieurs ont dit préférer les mesures "incitatives" aux mesures "coercitives". Gérard Sebaoun (PS) a notamment critiqué une "erreur de diagnostic" de la députée, estimant que l'amendement ne résout pas le problème posé, Bernard Accoyer (LR) jugeant pour sa part que "le volontariat est incontournable".
A l'inverse, la mesure a obtenu le soutien de députés tels Bérengère Poletti (LR) qui a jugé "indécent qu'on continue à laisser s'installer des médecins dans des endroits où il y en a déjà trop". Quant à Annick Le Houerou, elle aprésenté cet amendement comme "une solution simple pour résoudre le problème du déficit des médecins dans certaines zones de notre territoire", via "un dispositif de régulation de l'installation qui existe déjà pour de nombreux autres professionnels de santé. Elle a même assuré que "le principe de la liberté d'installation des médecins" n'était pas remis en cause avec ce dispositif "souple".
Pour l'entourage de Marisol Touraine, qui met en avant les mesure prises depuis 2012, comme les aides financières pour l'installation des médecins, "une telle mesure pousserait certains médecins à exercer sans conventionnement et à proposer des soins non remboursés par la Sécurité sociale. Elle contribuerait à faire émerger une médecine à deux vitesses". La CSMF a également réagi, voyant dans le dispositif une "coercition" inacceptable. Et les organisations de jeunes médecins sont naturellement vent debout contre l'initiative des députés. L’ISNAR-IMG, l’ISNI, l’ANEMF, le SNJMG, l’ISNCCA et ReAGJIR stigmatisant dans un communiqué commun "une mesure inefficace et dangereuse transformant les patients en marchandise."
Les députés, qui ont achevé en début d'après-midi l'examen du texte en commission, ont aussi adopté un amendement de Bernard Accoyer, qui étend à tous les médecins "quel que soit le secteur d’exercice", la possibilité d'avoir une rémunération durant leur congé maternité. La mesure ne devait concerner que les médecins secteur 1 ou qui ont choisi l'OPTAM (ex-CAS). Mais la rapporteure pour l'Assurance maladie Michèle Delaunay a émis un avis défavorable, tout en estimant que le sujet mériterait d'être à nouveau débattu en séance.
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