Île-de-France, terre de contraste… médical. Les derniers chiffres de l’ARS francilienne sont sans appel : 96 % de la population réside dans des territoires insuffisamment dotés en généralistes. Mais la région est également celle qui forme le plus de médecins et qui en a le plus en exercice.
Comme souvent, le diable se cache dans les détails. Près d’1,6 million de Franciliens n’ont pas de médecin traitant et deux tiers des omnipraticiens sont obligés de refuser des patients. En Seine-Saint-Denis, seuls 43 généralistes sont installés pour 100 000 habitants. Ajoutons à cela que 40 % des omnipraticiens de la région ont plus de 60 ans et 20 % moins de 40 ans. C’est donc une vague importante de départs à la retraite qui se profile à l’horizon.
Face à ce constat, plusieurs acteurs franciliens de premier ordre ont phosphoré lors du dernier Congrès de la médecine générale France (CMGF) pour tenter d’élaborer ensemble un plan de lutte contre la progression de la désertification médicale.
18 % des jeunes généralistes qui ont posé leur plaque en 2010 ont pris la tangente quatorze ans plus tard
Car l’enjeu, pour les jeunes générations, est immense, a rappelé le Pr Paul Frappé, flamboyant président du Collège de la médecine générale. Refusant de sombrer dans le fatalisme, le Stéphanois a expliqué que « donner envie aux diplômés de s’installer en médecine générale » réclame de s’intéresser aux conditions de travail en ville et, plus globalement, aux engagements des praticiens sur le terrain, plutôt qu’aux avantages qui leur sont promis et qui, désert à l’appui, sont loin d’être convaincants.
Les médecins, des cadres sup’
Cette pierre remise dans le jardin des politiques par le Pr Frappé est tombée à point nommé. Attraction de la journée, Valérie Pécresse s’est fait fort de tenir en miroir un discours riche en propositions pour faire reculer le désert médical francilien. La présidente LR de la région a longuement plaidé en faveur du pouvoir d’achat des professionnels de santé, mesures – plus ou moins précises – à l’appui.
Piochant volontiers dans son programme politique à l’élection présidentielle de 2022 – elle y défendait notamment la création d’une dotation régionale de « lutte contre la désertification sanitaire » –, l’ancienne candidate de la droite prône désormais la création d’une indemnité compensatrice du prix de la vie en Île-de-France pour les médecins qui s’installeraient dans la région, « pour leur garantir une vraie rémunération de cadre supérieur, ce qu’ils sont ! ». Valérie Pécresse s’est également exprimée sur le sort des étudiants, proposant que tous les bacheliers avec « mention très bien » qui veulent faire des études de médecine soient automatiquement inscrits dans les facultés. Sans préciser les modalités de cette annonce volontairement choc.
Elle a aussi promis que la région accompagnera la mise en place de la quatrième année de DES de médecine générale avec des offres de logement, de transports et d’équipement. De bon augure car, selon une enquête de l’Ordre (Cnom), 18 % des généralistes qui ont posé leur plaque en 2010 ont pris la tangente quatorze ans plus tard.
Raisons d’espérer
La région n’est pas la seule à œuvrer pour maintenir l’accès aux soins et attirer davantage de professionnels de santé en Île-de-France. Très dynamique, l’URPS Médecins libéraux organise des permanences d’aide à l’installation dans les huit départements. Ces structures « ont déjà reçu 1 900 médecins, dont 300 l’année dernière », a précisé son directeur, Alexandre Grenier. Une aide juridique et comptable ainsi qu’une centrale d’achat pour mutualiser les coûts sont aussi fournies.
L’ARS Île-de-France, par la voix de sa directrice adjointe, Sophie Martinon, a détaillé les différents dispositifs destinés aux étudiants, dont « une allocation de 1 500 euros pour la réalisation d’un stage dans la grande couronne ou le 93, expérimentée lors du semestre hivernal et qui sera renouvelée cet été ». Au total, l’agence octroie 10 millions d’euros par an d’aides à l’installation.
Toutes ces bonnes volontés suffiront-elles à éradiquer la désertification médicale en Île-de-France ? Si le chemin est encore long, des « éléments rassurants » doivent conforter les acteurs franciliens dans l’intérêt de continuer le combat, a exhorté Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de l’Assurance-maladie. En 2011, la primo-installation prenait au médecin généraliste 5,9 ans, contre 3,8 ans en 2023, a-t-elle assuré. En 2022, ce sont 2 360 omnipraticiens qui ont décidé de poser leur plaque. Ils étaient 1 100 en 2012. Les raisons d’espérer sont donc là.
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